L’image peut fasciner comme une idole, ou révéler comme une icône. Convoitise ou admiration, tout dépend du regard. Les médias savent utiliser ces connivences pour capter notre attention. Clips, flashes, zooms nous assiègent, au point de faire écran à la profondeur des choses. Pourtant, celui qui croit que le Verbe créateur s'est incarné pour révéler à nos sens le visage de Dieu ne peut se passer d'aller de l'image à la réalité. Le regard du chrétien, purifié par la contemplation des mystères du Christ, peut alors retrouver les images du monde, et les traverser comme s'il voyait l'invisible.
L'enjeu est de taille, en effet, pour la foi même.
Publicité, cinéma, télévision..., ce flot d'images ne laisse guère le temps de voir. Des caméras pleines d'yeux nous font partager des regards multiples, mobiles, contraires sur la vie : regards mêlés de curiosité, de désir, d'étonnement ou de compassion, qui mettent en branle tous les ressorts de l'affectivité. Nous passons du réel au virtuel, et du virtuel au réel, à travers un imaginaire de plus en plus modelé par les multimédias.
Dans ce flux, pourtant, certaines images tranchent par leur force. Photos que l'on accroche au mur, parce qu'elles nous parlent du mystère d'un visage, de la beauté du monde, d'un geste de miséricorde où Dieu se love. Depuis qu'il s'est fait chair, la chair elle-même, transfigurée, peut révéler la grâce à nos sens. Oui, la grâce et la vérité nous sont venues par Jésus Christ, pour que, à travers ce qui est visible, nous parvenions à pressentir les réalités invisibles. C'est pourquoi l'Eglise nous éduque, par la liturgie, par la contemplation ou par l'art de l'icône, à voir autrement.
Appel à la conversion du regard, à l'évangélisation de l'imagination. Alors que la convoitise des yeux fixe l'image de façon hypnotique, ce retournement libère de la fascination et permet de voir les choses dans la liberté de l'amour. On peut considérer sa vie comme une suite d'échecs, ou même de persécutions. Mais on peut aussi, un jour, comme quelqu'un qui s'éveille d'un songe, découvrir avec étonnement à quel point nous sommes accompagnés de tant de miséricorde et de bienfaits. Tout dépend, là aussi, du regard. L'Esprit Saint est le véritable exégète des images que nous recevons, ou que nous nous formons, de l'existence, de Dieu et de nous-mêmes. Lui seul peut nous faire voir les choses comme un don gracieux, la liberté comme un talent confié, et la vie comme un chemin de croissance. Et la Création elle-même retrouve alors son pouvoir épiphanique, celui de nous révéler, fût-ce de façon fugitive, Celui qu'on ne voit que de dos mais qui nous assure de sa présence.