Peut-on encore promettre, s'engager pour de bon et tenir sa parole ? Beaucoup en doutent aujourd'hui, devant l'incertitude des lendemains et la fragilité des sentiments. Les petites promesses, où l'on ne mise que son superflu, suffisent à nos petites histoires. Qui peut d'ailleurs donner ce qu'il n'a pas ? Qui peut se donner lui-même, alors qu'il n'est pas encore devenu ce qu'il promet d'être ?
Et pourtant, un monde sans promesses, où tout est calculé, contrôlé, planifié, ne serait plus humain. Les amoureux le savent, et aussi les grands inspirateurs, les saints et les fous du Christ. Comme le remarquait Bernanos, ils ne vivent pas du revenu de leurs revenus : ils engagent leur capital. Ce sont eux qui font l'histoire, la grande, où l'on peut lire la trace de l'Esprit. Ils risquent la promesse et la tiennent, car ils sont portés, parfois à leur insu, par la grande Promesse. C'est en elle, dans cette source cachée où chacun est donné à lui-même par la grâce d'un Autre, qu'ils puisent la confiance d'inventer leur vie avec les autres. Promesses du baptême qui donnent corps à l'Eglise, promesses du mariage qui fondent non seulement la famille mais, à travers elle, la confiance sociale...
Le Peuple de Dieu a reçu mission d'initier ses membres, à travers ses célébrations — et particulièrement celle de l'Eucharistie —, à l'Alliance. Elle le fait, au risque de trop insister parfois sur l'engagement de l'homme et pas assez sur la promesse de Dieu : « Et moi, je suis avec vous ! » Car seule l'expérience d'être porté par la toute-puissance de cette parole rend le croyant capable de risquer sa vie, et de tisser avec autrui des liens d'humanité.
Abraham ne savait pas où il allait, et c'est pour cela qu'il semait la confiance, assuré de Celui devant qui il marchait. Comme le notait avec humour Hannah Arendt : « Abraham témoigne d'une telle passion pour les alliances qu'on le croirait sorti de son pays dans le seul but d'essayer dans le vaste monde le pouvoir de la promesse mutuelle, tant et si bien qu'à la fin Dieu lui-même convient de faire alliance avec lui. » Mais c'est l'inverse qui est vrai : c'est parce qu'il se savait allié de Dieu par pure grâce et de façon irrévocable qu'il osait risquer à son tour la promesse mutuelle dans un monde de méfiance et de violences.
Les disciples du Christ, qui marchent avec les hommes, sont gardiens de cette promesse, témoins au milieu des nations divisées d'une Alliance qui donne sens à l'histoire. Dieu leur a confié cette mission très concrète, celle de manifester, à travers leurs serments solennels comme par leurs démarches les plus quotidiennes, que la confiance est possible, et qu'en elle se trouve la joie d'habiter ensemble notre terre.


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