Prise de vertige entre les deux infinis dontla science sonde les abîmes, l'imagination défaille. Et la conscience chrétienne elle-même, trop à l'étroit peut-être, s'interroge : comment penser ensemble le Créateur du cosmos et le Père de Jésus ? Comment confesser, en un seul acte de foi, Celui dont les deux racontent la gloire et dont le Fils révèle l'humilité ? Il en va de la cohérence de notre foi comme de la vigueur de notre vie spirituelle...
Nous souffrons aujourd'hui d'une certaine dissociation entre le Dieu de Jésus Christ et le Dieu du cosmos. Alors même que la théologie et la pastorale ont, depuis quelques décennies, fort justement concentré leur attention sur la personne du Christ, nous avons quelque peu délaissé, au plan de la foi, l'énigme de l'univers. D'où cette notion affaiblie de la création. La question de l'origine, réduite au big bang, est abandonnée à la science. Les deux ne racontent plus la gloire de Dieu, mais la mécanique céleste. Et, du coup, la foi chrétienne court le risque de s'enfermer dans les limites de la vie intérieure ou de l'éthique sociale. Le cosmos, devenu comme un décor, théâtre du drame humain, n'est plus cette création dont Paul affirme qu'elle gémit tout entière en travail d'enfantement. On voit où peut conduire une telle dérive chez des esprits flottants : à la limite, Dieu ne serait plus que l'âme du monde, et le Christ le plus charismatique des sages.
Mais non ! Comme 1 affirme hautement la foi reçue des apôtres, le Premier-né d'entre les morts est aussi le Premier-né de la création, le ressuscité qui envoie ses disciples dans le monde jusqu'à l'accomplissement des temps est bien celui qui présidait déjà au premier jour des temps. Dès lors, la foi, étant remonté jusqu'au commencement pour contempler « ce fils qui porte l'univers par la puissance de sa parole », découvre, étonné, l'extraordinaire gestation de cet univers, au sein duquel Dieu prépare, depuis des milliards d'années, le berceau où devait naître l'homme.
L'univers est un milieu divin, et le cosmos une histoire sainte. Aussi l'homme dans la création peut-il aujourd'hui reconnaître à frais nouveaux, dans la foi et l'émerveillement, dans la lutte aussi et la souffrance, l'extraordinaire vocation qui est la sienne, celle d'user de sa liberté en dépendance du créateur pour conduire cette universelle gestation vers sa destinée, la révélation des fils de Dieu.