Particulièrement exposée aux risques de transgression, la famille, lieu d’une intense fragilité, reste le prototype du lien social ultérieur. L’empreinte fraternelle, minimisée si douloureuse, fait cependant première inscription de l’être au monde.
L’interdit de l’inceste et celui du meurtre, tabous fondamentaux de la civilisation, fondés de l’intérieur dès l’origine du petit humain, sont pourtant l’objet de toutes les tentations, si ce n’est de toutes les transgressions.

De la pulsion à l’impulsion

La violence intrafamiliale, les liens d’emprise sous apparence de bienveillance, laissent sur leur sillage quelque goût d’incestualité : ni inceste avéré ni meurtre réel, mais atmosphère de séductions réciproques, d’excitations et d’empiètements de l’intime. Les portes trop ouvertes des chambres parentales, les irruptions invasives d’un espace à l’autre – celui du parent dans celui de l’enfant, celui de l’aîné dans celui du plus jeune – laissent à penser que places et lits sont interchangeables. L’effet est de confusion. Les mouvements sont de possession, sous couvert même de protection affectueuse : l’omnipotence de l’un devient négation de l’altérité de l’autre. S’abîment ainsi la capacité à investir au-dehors et l’exultation à être bien seul avec soi.
Les motions agressives et libidinales, toujours déjà là, matières premières d’un inconscient à peine connu, traversent continûment notre manière d’être au monde. Le désir puise au chaos, celui des pulsions de vie comme de mort entremêlées. Deux versants du désir s’imposent sans sommation. Le désir d’Éros, intriqué à l’amour et à la libido, lie et unit les mouvements internes. Mais aussi le désir de Thanatos, intriqué à la destructivité et à la tyrannie, dont la fonction délie et déchaîne. Les liens d’attachement ont leurs revers, faits de folie et de nuit. Le jour se double d’une étoffe de ténèbres et de feu, amertume d’une sérénité mythique et illusoire. Ravages à céder sur son désir.
Désirer n’est