Il s'agit ici de revenir sur la manière de procéder qu'on appelle la « spiritualité ignatienne », en suggérant des voies d'accès pour qui la connaît peu ou en incitant celui qui en vit à entendre à nouveau. Je prendrai comme porte d'entrée les Exercices spirituels : ils invitent à accueillir la joie qui vient de Dieu, en recevant de celui-ci d'aimer davantage, au cœur du monde créé par Lui.

L'appel du Christ

Les Exercices spirituels visent à se déterminer pour Dieu par la contemplation du Christ des évangiles. Comment procède le texte ? D'emblée, il propose de faire l'expérience de l'appel que lance Jésus à tout homme. Le Seigneur est celui qui s'adresse à chaque personne en particulier, à ceux qui sont nommés avec tendresse ses « serviteurs et amis » (Exercices spirituels, n° 146)1. Il veut les associer à la grande entreprise de salut du monde à laquelle la vie du Christ mort et ressuscité peut être ramenée (Ex. sp., n° 95). À leur manière, et dès le début, les Exercices constituent comme un écho, comme une caisse de résonance intérieure à l'appel lancé aux disciples dans l'Évangile.

C'est ainsi qu'Ignace engage à s'adresser au Christ en croix, en un long colloque2. Avec audace, l'imagination du retraitant est sollicitée, pour qu'il se représente ce moment de la Passion : « Imaginant le Christ Seigneur devant moi et mis en croix, faire un colloque : comment, de Créateur, il en est venu à se faire homme, à passer de la vie éternelle à la mort temporelle, et ainsi à mourir pour mes péchés » (Ex. sp., n° 53). Dolorisme, insistance sur les péchés, complaisance à s'appesantir sur les plaies du Crucifié ? À l'évidence, ce n'est pas le propos d'Ignace, qui convie le retraitant, immédiatement après, à un examen personnel décisif et positif : « De même, me regarder moi : ce que j'ai fait pour le Christ, ce que je fais pour le Christ, ce que je dois faire pour le Christ. Puis, le voyant dans cet état, suspendu ainsi à la croix, parcourir ce qui s'offrira à moi. » Par le signe de la croix, Dieu manifeste son amour, et