Le Notre Père est une des prières que nous récitons le plus souvent, mais il n'est pas évident que nous le fassions en prenant suffisamment conscience du sens véritable que peuvent avoir pour notre vie concrète les paroles que nous prononçons presque quotidiennement. C'est en réfléchissant à cela que je me suis posé la question de l'impact de cette prière sur les réalités vécues en Afrique subsaharienne Ce n'est pas du tout en exégète (que je ne suis pas) que je me suis résolu à méditer sur ces paroles, mais en chrétien appelé à examiner sa foi au contact de ce qu'il expérimente avec son Peuple du continent oublié.
Le contenu du Notre Père est trop riche pour que je puisse en parler de façon exhaustive dans cet exposé schématique. Dans ce qui suit, il s'agira tout simplement d'épingler quelques suggestions que m'inspire la prière qui nous a été léguée par le Seigneur lui-même. Je partirai de notre compréhension du mot Père pour voir ensuite certaines des conséquences que cela entraîne.

Le Notre Père, prière de la famille de Dieu


Au Synode africain tenu à Rome en 1994, les évêques africains et les autres Pères synodaux ont proposé de développer le concept de l'Église Famille en Afrique et de le mettre en pratique dans la vie ecclésiale. Quand on parle de famille en Afrique, une remarque préalable s'impose. Le mot famille en Afrique noire n'est pas à prendre dans le sens occidental du terme qui, en fait, se limite à la famille restreinte. En Afrique, la famille comprend les vivants, les morts et les non-encore-nés ; elle s'étend à tout le clan et s'élargit par les alliances et même par le pacte de sang, bien que celui-ci ne se pratique pas partout de la même manière. En termes clairs, le mot famille peut aller au-delà de mon propre clan biologique pour embrasser tous les hommes, quelles que soient leur origine et leur race.
Si l'on tient compte de ce qui vient d'être dit, la prière du Notre Père semble constituer un rappel très important de la conception de la famille au sens africain. Quand, à plusieurs, on peut appeler une même personne père, cela constitue un faisceau relationnel entre les différents partenaires : le père, d'une part, et les enfants, ceux qui disent père, d'autre part. En effet, les mots père et enfants sont des concepts relationnels : personne n'est père sans enfant(s) et on n'est enfant que parce qu'on a des parents. Semblablement, les termes frère et sœur impliquent automatiquement une dimension relationnelle, puisqu'on ne peut parler de frère ou de sœur que là où il y a, en plus, un autre enfant, frère ou sœur.
En appliquant ces considérations à la prière du Notre Père, on peut dire qu'appeler Dieu Père signifie la reconnaissance d'une relation étroite qu'il a envers nous comme fils et filles. En outre, le fait que nous appelions le même Dieu notre Père soude les liens entre nous en tant que frères et sœurs issus d'une même origine. À ce niveau, quand nous récitons le Notre Père, toute différence sociale, raciale, hiérarchique ou autre, s'efface : il n'y a ni riche ni pauvre, ni Blanc ni Noir, ni Pape ni évêque, ni prêtre ni simple laïc. Tous, nous sommes les enfants du même Père, à part égale. Pour