Préf. E. Hirsch. Vuibert, coll. « Espace éthique », 2009, 128 p., 14 euros.
On ne sort pas de la lecture de cet ouvrage comme on y est entré. Un pré­cédent écrit de l’auteur (Le corps mal-entendu, Vie Chrétienne, 2004) nous avait familiarisés avec l’interaction entre son expérience de médecin rééducateur et celle de patiente atteinte d’une maladie orpheline. Ici, Marie-Hélène Boucand cherche à aller plus loin, à trouver les mots les plus justes pour « oser crier l’inacceptable souffrance, pour témoi­gner que sa traversée est possible ».
Écrire relève alors d’une sorte de né­cessité intérieure : il y a des expériences fondatrices qu’on n’a pas le droit de garder pour soi. Au risque de malmener le lecteur, M.-H. Boucand poursuit sa marche déterminée jusqu’au bout de son exploration. Les certitudes et les éviden­ces du lecteur sur la profession médicale, les soins, la relation soignant-soigné, la famille, le handicap, se révèlent au fil des pages bien superficielles et inadaptées à la réalité décrite : elles sont déplacées par l’évocation de l’expérience au quo­tidien de l’auteur, en douze chapitres bien construits, enrichis d’exemples et de digressions personnelles.
Expérience spirituelle s’il en est, transmise à l’état natif et désencombrée de formules passe-partout, la vie se reçoit et se donne « mais toujours en relation ; elle a un goût précieux pour ceux qui sont menacés de la perdre ». L’accompagnement revêt alors la fonction centrale d’aider le patient à trouver en lui le désir de choisir la vie et de pouvoir espérer encore. Les deux supports évangéliques qui jalonnent cet ouvrage comme des fils rouges sont la parole et le temps, conditions indispensables à la naissance d’une relation de réciprocité.
L’influence de la spiritualité igna­tienne se laisse deviner sans peine : la référence à « l’a priori favorable », par exemple, clairement énoncée, explique pourquoi l’auteur, au creux même de ses exigences, n’est jamais dans le jugement ; autrui reste ainsi, tout au long de l’ouvrage, « vivant et digne en hu­manité ». Il a des « compétences », une potentialité pour gérer la situation, qu’il n’a peut-être pas encore découvertes.
Ce livre est un magnifique chant d’es­pérance en l’humain et en ses capacités insoupçonnées devant le malheur. Il s’achève sur un appel à la solidarité collective et à la construction d’un être-ensemble, devenu urgent. À la lecture de son histoire, Marie-Hélène Boucand a le droit – le devoir, selon elle – de nous questionner : elle le fait avec un immense respect.