Définir le temps, c'est toujours au fond définir Dieu. Fondé sur une citation de Romano Guardini, « Dieu a le temps… Dieu sait qu'une chose ne peut jamais venir qu'après l'autre. Il est patient », ce livre est à la croisée de la philosophie, de la théologie et de l'expérience pastorale de son auteur, aumônier d'hôpital gériatrique et auteur de Cent prières pour vivre le grand âge (Salvator, 2013). Il affronte le mystère du temps dont nous faisons partie, et dont il nous est impossible de nous abstraire pour en comprendre la vérité. Ainsi commence-t-il par un paradoxe : l'homme contemporain qui, par définition, en manque, est invité à prendre de son temps pour lire un livre sur le temps de Dieu !

N'hésitant pas à aborder les conceptions les plus ardues pour le néophyte, l'auteur prend le risque d'une première partie philosophique difficile pour conduire son lecteur à déplacer son attente. Communément, n'est-ce pas l'homme qui, se sachant promis à la mort, voit filer chaque minute avec amertume ? Il lui semble vivre une tragédie permanente : arraché à la durée, condamné à ce que Forster appelle « les petits paquets de dix minutes » dont chaque journée est faite. De là à postuler une inaccessible éternité, à la caresser du regard mais sans trop y croire, il n'y a qu'un pas ! C'est cette vision que ce livre épuise. Deux clés nous sont données pour cela : la notion d'entretemps qui définit la position de l'Homme entre l'accompli de la Révélation et l'évident inaccomplissement de celle-ci, qu'il peut habiter en restant dans l'attente mais surtout en éveil ; et la conscience de la singularité de l'instant, où réside la dignité unique du temps humain.

Mais il va plus loin. Là où Dieu semble figé dans son éternité et les hommes, fugaces vibrions promis au néant, la perspective s'inverse lorsque, rapporté à la vitesse prodigieuse de l'amour divin dans la Trinité, c'est le temps humain qui paraît en réalité immobile. Cette relecture informée d'Adrienne von Speyr et de Hans Urs von Balthasar nous rend capables de percevoir que le temps est issu de l'éternité et non coupé d'elle. Si, bien sûr, nous sommes face à une éternité passagère dans le ressenti que nous en avons, la foi nous invite à postuler l'objectivité du temps de Dieu, un temps particulier, qu'il peut même perdre à attendre, pour des engendrements dont nous n'avons pas idée…