Entre les deux livres publiés par Philippe Mac Leod en 2014, il y a tout un jeu d’échos, et on fera alterner avec profit la lecture du premier, Intériorité et témoignage, une exigeante initiation à l’oraison, et celle du second, Les signes de Lourdes, qui s’appuie sur les éléments sensibles (l’eau, la lumière, l’air, le rocher) aussi bien que sur l’enseignement des apparitions, la figure de sainte Bernadette, le contact avec les foules dans la cité mariale. Les deux livres sont d’ailleurs nés d’entretiens avec des personnes ou des groupes, dans une démarche d’accompagnement spirituel. Aussi l’auteur s’adresse-t-il souvent au lecteur pour l’éclairer, l’encourager, le mettre en garde, ce qui donne au discours, dont le propos est de nous mener loin, une allure souple et vivante.
On ne s’étonnera donc pas que l’un des thèmes communs aux deux livres soit celui de l’expérience. À Lourdes, fait observer l’auteur, Marie, en demandant à Bernadette de venir à la grotte pendant quinze jours, l’engage à faire une expérience dans la durée, avec patience et fidélité. Dans Intériorité et témoignage, Philippe Mac Leod nous présente aussi la prière comme une expérience dans laquelle on s’engage par désir, sans préalable ni méthode au départ ; il s’agit simplement d’une « mise en présence » où Dieu ne fera pas défaut pourvu que nous-même acceptions de lui donner de notre temps.
Un second thème commun est celui de l’accès au cœur profond, signifié à Lourdes par le dégagement de la source, et par Marie elle-même qui « gardait tous les événements dans son cœur ». Pour nous aider à trouver cet accès, l’auteur commente les trois recommandations de Jésus : « demandez », « cherchez », « frappez » (Lc 11,9), dont il éclaire la progression. Cet approfondissement ne nous ensevelit pas en nous-même mais nous reconduit au lieu d’où notre vie jaillit. À partir de là, nous pourrons répandre dans la vie quotidienne cette eau bienfaisante, et aussi contempler en tout être, toute chose, les ramifications de ce courant vital venu de « l’incessante Origine » (Mario Luzi).
Ne cherchons pas ailleurs la fécondité du témoignage, troisième thème commun. Durant les apparitions de Lourdes, « il ne se passait rien » aux yeux de la foule, sinon que celle-ci voyait Bernadette prier, et cette vue seule transformait son entourage, comme plus tard à Nevers. Il est donc vain, dit Philippe Mac Leod, d’opposer action et contemplation et il nous en convainc en donnant, à la fin d’Intériorité et témoignage, une lecture neuve du fameux épisode de Marthe et Marie (Lc 10,38-42), où celle-ci représente en quelque sorte l’intimité de celle-là.
Le quatrième thème commun est fourni par la figure de Bernadette. L’originalité de Philippe Mac Leod est de nous la proposer comme modèle de prière alors qu’à la différence de Thérèse d’Avila et de Thérèse de Lisieux, elle n’a guère laissé d’écrits qui puissent nous guider. Mais le beau portrait spirituel qu’il trace de « la plus secrète des saintes » justifie qu’il en fasse l’initiatrice d’une « petite voie », comme sa sœur de Lisieux, une voie qui permet à chacun de commencer là où il est et d’aller aussi loin qu’il le voudra.

Jean-Pierre Lemaire