A la lumière de sa propre expérience et de ce qu'elle observe aujourd'hui dans les classes elle s'interroge sur les conditions de possibilité pour les jeunes de se construire un espace intérieur. Car selon elle, outre les connaissances qu'ils ont à enseigner, les professeurs ont pour tâche de "faire germer de la profondeur dans les êtres". Or, plus encore que l'absence de motivation ou de concentration, la culture contemporaine, où matérialisme, hyperviolence et hypersexualité se sont banalisés, oppose à l'effort et à l'élévation morale que requiert le projet éducatif, des modèles qui encouragent les pulsions et "parasitent l'imaginaire".

Racontant comment on apprend à aimer, à assumer ses désirs et ses peurs, à résoudre des conflits ou à supporter la frustration, la littérature au fond, "emblématise l'expérience humaine", et apprend à vivre. Entrer dans l'intelligence de textes qui posent la question du sens de l'existence peut aider des adolescents à étayer leur intériorité.

L'auteur n'élude pas les difficultés de l'institution elle-même et les risques de "dérives technicistes" dans sa discipline, lorsque l'analyse du texte l'emporte sur l'émergence de son sens. Mais elle rappelle avec netteté cet enjeu fondamental de l'éducation : par la médiation de grandes œuvres il s'agit de former, plus encore que le goût et l'intérêt, l'aptitude à juger et à discerner, autrement dit, la capacité à "penser par soi-même".


 Natalie Héron