Partout dans le monde, et à toute heure du jour, de nombreux bébés dorment.


Le sommeil et le lien

Les bébés sont humbles et doux. Ils vivent de la bonté du Créateur qui ne leur demande rien en retour de leur vie. Ils vivent seulement, et c’est tout leur emploi du temps, tout leur amour. Ils vivent, ce qui est très prenant, ce qui les capte eux-mêmes et leur entourage, tellement que le moment de leur sommeil durant le jour est attendu par tous comme ce qui pourra permettre aux grands de disposer d’eux-mêmes.
Il dort même à la lumière et même dans un peu de bruit. Il se retire en lui-même, dans un lieu inaccessible où il se passe des choses qui animent son sommeil : parfois, tout en rêvant, il leur sourit. Il sourit à la voix de son père qui lui parle quand il dort. Il comprend tout.
Le sommeil se montre extérieurement comme un moment d’autonomie. Dormir comme un bébé, c’est reposer l’entourage en cessant de demander de l’attention, de l’affection, des soins sûrs et de la nourriture. Il dort enfin. Mais, bien que reposant l’entourage, le lien qui nous l’attache demeure, et c’est cela que nous allons contempler dans le sommeil du tout-petit. Car, là aussi, le lien prévaut et sa qualité décide de la possibilité et de la nature du repos.
Mais où est-il passé, ce lien aux autres, qui semblait nécessaire à tout acte éveillé ? Ce lien, aussi vital que le repos, rendait possible les élaborations subtiles du temps de veille, l’apprentissage par la perception. Ce lien, dans le sommeil, accorde maintenant la possibilité d’élaborations plus complexes encore. Dormant, le corps veille et travaille, l’esprit comprend et apprend.
 
 

Je dors, mais mon cœur veille

Le lien est nécessaire au sommeil. Pour être en confiance corporelle, il faut être en confiance relationnelle et ne pas prendre peur.
Si l’heure n’est pas venue ou que la fatigue est trop grande, la remise de soi dans le sommeil se cabre.
Dans le tout petit corps, les défenses sont concentrées. Leur volume sonore peut surprendre, et plus encore le tonus musculaire de tout l’être récalcitrant devant l’agression de la douleur ou d’un refus. Mais tout aussi puissantes se trouvent dans le bébé l’espérance du meilleur, la capacité à rompre le temps pour s’ouvrir au neuf, la lucidité devant les faits seuls. Un enfant bien relié ne se laisse pas détruire.
Les bébés savent-ils plus que nous que le danger existe et que la vie est difficile ? Nous les protégeons particulièrement car, de tous les hommes, ils sont parmi les plus vulnérables. Ils le sentent. L’immaturité du nouveau-né humain est connue : ces neuf mois de gestation aérienne qui font suite à la même durée de gestation aquatique forment le petit homme à une pratique de la dépendance qu’il est seul à connaître et qu’il traverse avec génie. Durant les dix-huit mois qui suivent ses premiers mouvements intra-...

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