Marie, la mère de Jésus, occupe dès les origines de l'Eglise une place de choix dans l'histoire de la foi et de la piété chrétienne. Parmi les voix innombrables qui se sont exprimées à son sujet, il en est une qui surprend et qui fascine toujours à nouveau par sa sobriété et sa densité : c'est celle de l'évangile selon Jean.
Dans les lignes qui suivent, notte propos n'est pas de remonter en amont de l'évangile selon Jean pour partir à la recherche du personnage historique de Marie. Il n'est pas davantage de nous situer en aval pour repérer l'effet de sens qu'ont susdté les passages de cet évangile où apparaît la mère de Jésus, et de montrer en quoi ils ont nourri le culte mariai et la réflexion mariologique Notte intention est de nous exposer au monde du texte qui se déploie devant nous, afin d'y discerner le rôle qu'y joue la mère de Jésus. Comment est-il possible de mener à bien cette tâche ?
L'analyse narrative fournit des points de repère qui nous permettent une approche à la fois féconde et méthodologiquement raisonnée du rédt johannique 1. Ainsi, il nous faudra être attentif à la façon dont l'évangéliste a conçu et relié entte eux les différents épisodes de la vie de Jésus, et en particulier à la place qu'il attribue à Marie dans son récit. Par ailleurs, il s'agira d'observer quelle identité et quel rôle Jean accorde à la mère de Jésus. Enfin, il conviendra de rechercher quel effet le texte entend exercer sur le lecteur par la présentation de ce personnage.

Ouverture : l'énigme du nom


Une première surprise guette le lecteur. Dans l'évangile selon Jean, Marie n'est jamais appelée par son nom propre, mais toujours par l'expression « mère de Jésus » 2. N'aurait-on que cet évangile, nous ne saurions pas que la mère de Jésus se nommait Marie ! Il est néanmoins quasiment certain que les membres des églises johanniques connaissaient son nom. Pourquoi l'évangéliste prend-il alors le parti d'éviter le nom de « Marie » pour lui substituer celui de « mère de Jésus » ? Quel effet vise-t-ilen procédant ainsi ?
Nommer les personnages du rédt en évitant d'utiliser leur nom propre et en préférant recourir à une locution est un procédé typique du quatrième évangile. Ainsi le « disdple bien-aimé » est-il placé à la même enseigne que Marie Jamais l'énigme de son identité n'est levée Jamais son nom propre n'est prononcé. Le lecteur doit se satisfaire de voir dans ce personnage-def de la dramaturgie johannique « le disciple que Jésus aimait ». Autre exemple : il faut attendre les dernières lignes du prologue (1,1-18) pour découvrir l'identité mystérieuse du « Verbe » (« Logos ») et voir surgir le nom de Jésus. Quel but l'évangéliste poursuit-il en agissant ainsi ?
Son intention est limpide. Elle honore la signification première qui devrait être celle du nom, à savoir : dire l'identité fondamentale d'une personne. En substituant un « titre » au nom propre, l'évangéliste veut souligner le rôle que joue tel ou tel personnage dans le rédt ; il veut mettre en évidence sa signification profonde. Ainsi Jésus est-il fondamentalement le Verbe : en lui et par lui, Dieu devient Parole pour le monde. Ainsi le « disciple bien-aimé » est-il en premier lieu le proche de Jésus, celui qui est uni à lui par une relation d'amour unique. Cette intimité a une portée théologique : aimé de Jésus, le disciple bien-aimé devient, de ce fait même, son témoin privilégié et son interprète insurpassable.
En quel sens Marie est-elle alors la mère de Jésus ? Quel aspect l'évangéliste veut-il souligner en la nommant de la sorte ? La notice de Jn 6,42, qui souligne le scandale de l'incarnation, met le lecteur sur la voie. Celui qui se dit le pain descendu du ciel n'est personne d'autre que le fils de Joseph, le fils d'un père et d'une mère bien connus. C'est l'insertion de Jésus dans la famille des hommes qui est ainsi soulignée. En tant que « mère de Jésus », en tant que celle qui l'a porté en son sein, mis au monde, nourri et élevé, Marie est le garant de la radicale incarnation du Fils, de sa radicale humanité. L'envoyé du Père est fils de femme, fruit de la chair. Le personnage de Marie, par le nom qu'il porte, devient ainsi l'exposant d'une dimension fondamentale de la christologie du quatrième évangile : la dimension de l'incarnation. Si le Père du Christ a pour patrie le ciel, sa mère appartient à la terre A eux deux, ils indiquent ce paradoxe : la Parole a été faite chair (1,14).
Le rôle que la « mère de Jésus » joue dans le rédt, confirme-t-il cette interprétation ?

Une inclusion significative


Quelle importance le rédt attribue-t-il à la mère de Jésus ? Quand intervient-elle dans l'histoire du Christ et sous quelle forme ? Une fois encore, il ne s'agit pas d'une enquête de nature historique, mais d'une investigation du monde du récit. Or nous savons que Jean — plus que tout autre évangéliste — a donné à son oeuvre Une facture originale. Sa présentation de la vie du Christ s'écarte notablement de ce que nous lisons dans les évangiles synoptiques. L'organisation du récit est donc hautement significative : elle nous montre d'emblée comment Jean conçoit le personnage de Marie, quelle signification il lui donne.
L'auteur du quatrième évangile fait preuve d'une sobriété drastique dans l'évocation du personnage de la mère de Jésus. Il ne lui consacre, tout bien compté, qu'une dizaine de versets. Marie n'apparaît en effet que dans deux épisodes : à Cana (2,1-12) et à la croix (19,25-27). A cela, ajoutons que son existence est brièvement évoquée en 6,42. Cet inventaire pourrait laisser croire que la mère de Jésus n'a pas de véritable signification dans l'intrigue johannique. Cette condusion serait pourtant par trop prédpitée Cana et la croix ne constituent certes que deux épisodes, mais pas n'importe quels épisodes. Cana marque l'ouverture du ministère public de Jésus : il est l'acte inaugural par lequel le Christ se révèle au monde. La croix, dans le scénario johannique constitue l'acte final, l'achèvement, l'heure de l'élévation. Avec Cana et la croix sont posés les deux actes qui délimitent la présence et l'activité du Révélateur dans le monde Témoin de ces deux événements, la mère de Jésus est, de ce fait, présente aussi bien au début qu'à la fin, aussi bien à la naissance qu'à l'achèvement de la révélation. Pour mesurer la portée de la présence de la mère de Jésus lors de ces deux événements, il convient de préciser la signification de chacun d'entre eux dans l'intrigue johannique et de mettre à jour la relation qui les unit.

La scène inaugurale


Les noces de Cana constituent l'acte inaugural du ministère du Christ dans l'évangile selon Jean. Par le signe qu'il pose — la transformation de l'eau en vin —, Jésus signifie la venue des temps messianiques. En lui se révèle la gloire, c'est-à-dire la présence salvatrice de Dieu au sein de l'histoire des hommes.
La mère de Jésus est associée à cet événement (2,1). Que le cadre choisi pour le premier signe du Christ soit des noces n'est pas indifférent. Même si — faisant fond sur la tradition vétérotestamentaire juive — l'on souligne à juste titre la portée symbolique des noces, il serait faux de spiritualiser le texte à l'excès et d'effacer son sens premier. C'est bien de noces qu'il s'agit, de la fête célébrant l'amour d'un homme et d'une femme c'est bien la création dans son caractère jubilatoire qui s'annonce ici. Et c'est bien à cette humanité joyeuse, à cet acte constitutif de la famille humaine que la mère de Jésus partidpe. Sa présence y est mentionnée avant même celle de son fils (v. 1-2). La dimension de l'incarnation attachée à la personne de Marie se trouve ainsi confirmée Comment se noue alors la relation entte cette mère et son fils à cette occasion ? La sobriété du texte — voire son caractère énigmauque — doit être respectée
A sa mère qui le rend attentif à la situation de manque dans laquelle les invités vont se trouver, le Christ répond : « Que me veuxtu, femme ?» La réplique est inattendue et rude De façon surprenante, le Christ, dans le quatrième évangile, ne s'adresse jamais à Marie en utilisant le seul terme qui semblerait convenir : « mère ». En choisissant le mot « femme », il construit une distance. Un écart qui prend sens dans l'apostrophe : « Que me veux-tu ? » 3. Ce qui semble être une rebuffade ne doit cependant pas être interprété dans un sens psychologique. Il ne s'agit pas davantage d'une critique voilée s'opposant à la demande de Marie.
En s'exprimant ainsi, le Christ marque sa distance par rapport aux souds qui accaparent les hommes et les femmes : il n'entre pas dans leur logique. Sa conduite est dictée par une urgence autte, celle de la révélation ; elle est dominée par une fidélité autte, la fidélité au Père dont il est l'envoyé. Jésus et sa mère n'agissent donc pas sur le même plan. Si Marie est pleinement partidpante à l'histoire concrète qu'elle vit, si elle est attentive aux soucis et aux aléas quotidiens des personnes qui l'entourent, le Christ se situe à un autte niveau ; son horizon de référence n'est pas le même. La relation entte Jésus et sa mère n'est pas une relation d'égalité et de rédprodté. A l'heure de l'ouverture de son ministère, Jésus devient le Révélateur et sa mère un membre de la communauté humaine appelée à recevoir cette révélation.
Distance certes, mais non point rupture de la relation. Proximité et confiance restent les maîtres mots de ce face-à-face. Proximité tout d'abord dans le sens le plus élémentaire : la mère accompagne le fils. Elle est là aux moments décisifs. Proximité dans un sens plus profond ensuite : Marie s'adresse sans la moindre hésitation et sans la moindre crainte à son fils. Confiance car, à aucun instant, elle ne doute de pouvoir lui faire part de son soud. Même l'apparente rebuffade du verset 4 ne la décourage en aucune façon. Elle invite les servants à suivre à la lettre les instructions de son fils (v. 5), convaincue que ce qui va suivre ne pourra que contribuer à résoudre la situation embarrassante dans laquelle se trouve la noce. Confiance, enfin, dans le fait que le Christ est en mesure de répandre l'abondance là où menace le manque. Une confiance qui se dédine sur le mode de l'ouverture et de la disponibilité.  
D'une confiance faite d'ouverture et de disponibilité, il est aisé et tentant d'induire la foi. Même si cette notion n'est utilisée qu'à propos des disdples dans notre passage (v. 11 : « Il manifesta sa gloire et ses disdples crurent en lui »), les traits narratifs qui caractérisent la figure de la mère de Jésus vont bien dans cette direction. Dans Marie, il faut reconnaître une figure de foi. Il est pourtant un pas que Jean ne franchit pas, au contraire de beaucoup de ses interprètes. Nombreux sont ceux qui voient dans la personne de Marie la figure de la foi du peuple de l'Alliance, de l'Israël croyant. Or force est de constater qu'à Cana la mère de Jésus ne se distingue pas des autres personnages du récit — des disciples, par exemple — de par son appartenance au peuple d'Israël.
La mère de Jésus, présente et disponible pour l'agir de son fils, est enfin assodée à un projet, à « l'heure qui n'est pas encore venue » (v. 4). De quelle « heure » s'agit-il ? Comme le montrent 12,23.27 et 13,1, l'heure dont il est fait état id est l'heure de la croix — croix au pied de laquelle le lecteur va retrouver la mère de Jésus. S'adressant à sa mère, le Christ répond donc indirectement à sa demande : le vin va couler à flot à Cana et la gloire de Dieu va se manifester (v. 12). Mais ce serait se tromper sur la véritable nature de cette heure que d'y voir la révélation achevée La parfaite expression de la gloire sera donnée à la croix, et c'est à cet avenir-là que Marie est assodée à Cana. C'est à la croix aussi que sera tranché le destin de la mère de Jésus.

La scène finale


Si les noces de Cana célébrées en présence de la mère de Jésus évoquaient l'aspect jubilatoire de l'incarnation, la scène qui se déroule au pied de la croix et à laquelle la mère de Jésus est à nouveau présente en démontre le caractère radical : le Christ va affronter l'expérience ultime qui est la signature de toute vie d'homme : la mort. A Cana et à la croix, Marie est assodée à deux situations qui soulignent le caractère accompli de l'incarnation du Christ : là où la vie abonde et là où elle cesse
Mais cet accent sur l'incarnation dans ses figures extrêmes n'est pas le seul lien qui relie les noces de Cana à la scène de la crucifixion (19,25-27). Dans les deux passages, en effet, le personnage de Marie est présenté de la même façon. Tout d'abord, la scène s'ouvre par la mention de la présence de la mère de Jésus (v. 25), accompagnée de deux ou trois autres femmes. Une présence qui n'est pas expliquée, mais qui vaut par elle-même Une présence qui est signe de proximité. Une proximité qui exprime une affection intacte à l'heure où Jésus est condamné et rejeté. En second lieu, pas plus qu'à Cana, la mère de Jésus n'est distinguée des autres femmes ou du disciple bien-aimé pour devenir, par effet de différence, le symbole de l'Israël croyant. En troisième lieu, dans cette scène ultime, Jésus va — comme à Cana — s'adresser à sa mère et — comme à Cana — il va s'adresser à elle en la nommant « femme ». En quatrième lieu, à la croix comme à Cana, Marie est dans une relation de confiance avec son fils. Elle recueille avec le disdple bien-aimé sa dernière volonté et s'y soumet sans hésitation. Enfin, le verset 27b fait — comme à Cana — mention d'une « heure » importante d'une heure qui, elle aussi, appelle un avenir à découvrir. Il n'est dès lors pas audadeux de prétendre que la scène qui se joue sous la croix répond à celle de Cana et donne son sens ultime à ce qui avait alors été suggéré.
Quel est donc l'élément qui va au-delà de ce qui avait été dit à Cana ? A n'en pas douter, il s'agit de la fameuse parole prononcée par le Christ en croix, parole par laquelle il exprime sa dernière volonté (19,26-27) : « Voyant ainsi sa mère et près d'elle le disciple qu'il aimait, Jésus dit à sa mère : " Femme, voici ton fils. " Il dit ensuite au disciple : " Voici ta mère. " »
Quel est le sens de cette ultime volonté exprimée par le Christ en croix ? Cette dernière parole pourrait-on dire, tient lieu de testament. Or le sens de tout testament est de prendre des mesures qui permettent la continuation ordonnée de la vie des proches après le décès du testateur. En formulant ses dernières volontés, un mourant organise l'avenir dont il sera absent, il lui donne un sens, une orientation. C'est exactement l'intention de cette ultime instruction du Christ. Elle concerne l'organisation du temps qui s'ouvre après sa mort et son élévation auprès du Père. Comment le temps marqué du sceau de son absence, c'est-à-dire le temps qui s'ouvre après Pâques, doit-il être vécu par ses intimes ? Par sa mère et par le disciple bien-aimé, mais aussi par les autres disdples ? Quelles mesures peuvent remédier à la séparation imminente ?
La volonté exprimée par le Christ culmine dans la mise en place d'une médiation qui pallie son absence. Comme le droit familial juif l'y autorise le Christ johannique place sa mère sous la protection du disciple bien-aimé. Ce dernier est appelé à jouer auprès de la mère de Jésus le rôle même que ce dernier assumait jusqu'à ce jour. Le disciple bien-aimé devient ainsi le représentant du Fils en l'absence du Fils. Quelles sont alors les relations appelées à s'instaurer entre le disciple bien-aimé et la mère ? Contrairement à une interprétation répandue, le texte n'appelle pas la mère de Jésus à remplir un rôle de mère vis-à-vis du disciple bien-aimé et à devenir ainsi — pour autant que l'on discerne dans la figure du disdple bien-aimé la figure exemplaire du croyant — la mère de tous les croyants. Semblablement, le texte n'établit pas une relation de rédprodté ou de partenariat entte la mère et le disdple bien-aimé. C'est le disdple bien-aimé qui est appelé à accueillir la mère et non l'inverse C'est lui qui est investi d'une mission et non la mère L'ensemble de la scène culmine dans le rôle unique confié au disdple bien-aimé.
Affirmer cela, ce n'est pourtant en aucune façon déconsidérer la mère de Jésus ou lui refuser une place dans l'avenir qui se prépare. Au contraire Pour s'en convaincre, il suffit d'être attentif à la terminologie utilisée dans notre passage. Cette terminologie est en effet fort cohérente et, de ce fait même elle indique la question centrale qui est abordée dans cette ultime scène entre le Christ et les siens. Le vocabulaire récurrent est celui de la famille (cf. le couple mère-fils) et la problématique dominante est celle de l'aménagement de nouveaux rapports au sein de cette famille. Ainsi, au moment de mourir, le Fils constitue la nouvelle famille qui doit subsister après la séparation. En d'autres ternies, il fonde la famille appelée à vivre et à se développer après Pâques. Cette famille est certes placée sous l'autorité spirituelle du disdple bien-aimé qui, aux yeux de Jean, est le témoin privilégié du Christ et l'interprète inégalable de sa destinée mais la première personne appelée à prendre place dans cette famille née au pied de la croix, c'est la mère de Jésus, dont la stature de croyante exemplaire est ainsi consacrée Si, à Cana, la mère de Jésus était assodée d'emblée à l'achèvement de la révélation survenant à la croix, c'est un autte avenir qui lui est proposé au pied de la croix. Un avenir qui dépasse le scandale de la croix et s'ouvre sur le temps de l'Eglise Son Fils, qui lui est enlevé à la croix, lui est rendu à tout jamais dans la vie que la nouvelle famille qu'il fonde est appelée à partager après Pâques.

Le parcours proposé au lecteur


Dans l'évangile selon Jean, le personnage de la « mère de Jésus » demeure périphérique et énigmatique. Périphérique, car il surgit aux bornes du rédt. Il n'est pas assodé au déploiement de la révélation — que ce soit devant le monde (chap. 1-12) ou devant les disciples (chap. 13-17). Périphérique, mais à la façon d'une sentinelle qui balise aussi bien l'entrée que la fin de l'histoire du Christ Et en ce sens, la « mère » signale que celui qu'dle a mis au monde a vraiment été chair, qu'il a vraiment demeuré parmi nous, allant jusqu'à mourir notre mort. La silhouette de la mère à Cana et à la croix est la signature de l'incarnation.
Mais ce personnage-sentinelle reste énigmatique. Il ne se signale ni par des dédarations de foi célèbres, comme Pierre ou Marthe, ni par des gestes extraordinaires comme Marie la soeur de Lazare qui oint la tête du Christ de parfum de nard pur. A Cana, elle est là, simplement attentive aux besoins des hommes et confiante dans l'action de son fils. A la croix, elle est là, silendeuse à l'écoute du testament de son fils, puis se laissant emmener par le disdple bien-aimé. Elle n'est pas d'abord le personnage exemplaire qui récapitule toutes les figures de foi de l'Ancienne Alliance. Elle n'est pas davantage la mère qui représenterait l'Eglise et qui, à ce titre, exercerait une responsabilité particulière sur l'ensemble des croyants confiés désormais à sa vigilance et à son intercession. La mère de Jésus est certes une figure de foi, mais peinte avec sobriété et retenue. Elle garde son mystère.
A travers la mère de Jésus, le lecteur est simplement appelé à être présent à l'histoire du Christ. Il est simplement indté à partager sa solidarité de mère sans faille, du début à la fin, avec son fils. Il est invité à faire preuve de la même disponibilité et de la même confiance lorsque l'atteint la parole du Christ. A travers la mère de Jésus, le lecteur est appelé à voir dans le destin du Fils une histoire imprévue qui rebondit sans cesse, riche de l'avenir qu'elle porte en elle. La gloire de Cana n'est pas le point d'orgue, mais le point de départ qui déjà laisse entrevoir la croix. La croix elle-même n'est pas la fin des espérances et de la vie, mais elle renvoie à un autte chez soi (19,27 : « Et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui »), à l'Eglise nourrie du souvenir du Fils. La « mère de Jésus » se tient certes aux frontières du rédt mais, à chaque fois, elle est associée à un avenir décisif.
La mère de Jésus est ainsi associée à deux naissances auxquelles elle consent. Par sa maternité, elle consent à la venue du Fils dans le monde. La parole a été faite chair grâce à elle et par elle. Par sa présence à la croix, elle est invitée à prendre la place qui est la sienne dans cette nouvelle famille qu'est l'Eglise. C'est à ce double oui qu'elle convie le lecteur : découvrir dans l'histoire racontée de son fils la Parole de Dieu ultime pour les hommes ; découvrir dans l'Eglise le lieu où l'histoire de cette parole se poursuit alors même que le Fils est retourné auprès du Père.



1. Cf R Alan Culpepper, Anatomy of the Fourth Gospel A Study in Literary Design, Fortress Press, 1983
2. Jn 2,3 « la mère de Jésus » , 6,42 : « Celui-ci n'est-il pas Jésus, le fils de Joseph dont nous connaissons le père et la mère ? », 19,25.26 • « sa mère »
3. Littéralement : « Qu'y a-t-il entre toi et moi ? »