En août 2013, nous fûmes une quinzaine à nous rendre dans le district d’Ordos, en Mongolie intérieure, sur les pas de Pierre Teilhard de Chardin. Teilhard, en 1923, avait conduit là des fouilles, en compagnie de son confrère Émile Licent. Dans la vallée où nous campions pour quelques jours, il avait composé « La Messe sur le monde ». Nous venions presque tous de Shanghai, enseignants et étudiants de troisième cycle de l’université Fudan, membres de l’Académie des sciences sociales de Shanghai ou de l’équipe rédactionnelle de la revue des écrivains de cette ville. Voyageaient aussi avec nous trois membres de l’Institut Ricci de Taipei, en charge de la réalisation d’un documentaire sur Teilhard et la Chine.

Double équipée : il s’agissait de lire, en un lieu privilégié, les textes d’un penseur qui avait fait de « l’infini de complexité » le lieu paradoxal de la recherche du plus simple et fondamental ; il s’agissait aussi d’apporter un peu de simplicité en nos vies par la magie propre du lieu comme par l’observance d’un partage quotidien dont le thème évoluait de jour en jour en fonction des troubles ou des intuitions dégagés dans l’échange du jour précédent. Ce texte n’est autre qu’un « journal croisé » – celui de notre cheminement dans la pensée et la vie d’un tiers, Teilhard, comme d’un travail d’unification poursuivi dans l’échange mené au fil d’une courte transhumance à travers la région d’Ordos.


 L’infini de complexité

« Infini de complexité. » De cette expression, Teilhard semble parfois jouer avec quelque jubilation. Mais elle est ancrée dans une attention frémissante à un double mystère – cosmologique et métaphysique à la fois –, une attention qui était celle-là même de son compatriote auvergnat, Blaise Pascal.

La physique ne joue encore que sur deux infinis. Or, pour couvrir scientifiquement la totalité de l’expérience, il est