Il en va de l’économie comme de la marche à pied : c’est une rupture d’équilibre perpétuellement surmontée. Pour avancer, il faut accepter de perdre l’équilibre, et en ce sens, comme les petits enfants qui apprennent à marcher, faire confiance à ceux qui nous ont précédés. La confiance est d’autant plus nécessaire que l’économie capitaliste se nourrit de « destructions créatrices », comme disait Schumpeter. Ce n’est pas en perfectionnant la bougie que l’on a inventé l’électricité, et, pour développer l’automobile, il a fallu détourner une partie des forces de travail disponibles et des consommateurs vers de nouveaux secteurs, déstabiliser les autres. La crise économique survient lorsque la chute n’est plus amortie ou que la confiance disparaît : les consommateurs hésitent à dépenser, les produits s’accumulent dans les halles de stockage, le chômage grandit, augmentant la défiance des consommateurs. Faute de soigner les maux, on cherche les mots capables de restaurer la confiance perdue : surproduction, pétrole, dette, spéculation. Ces explications se révélant dérisoires, la défiance s’installe alors sous des expressions assez vagues : contradictions du système capitaliste, fascination de l’argent, appétit de jouissance, volonté de puissance.
Sous ces mots se joue le jeu de la crise et de la reprise, avec ses joies et ses drames quotidiens. Qu’y peut faire l’esprit chrétien ? Beaucoup, en inspirant un triple personnage qui nous ressemble comme un frère tout en vivant d’une autre inspiration, à la fois vieillard qui espère malgré tout, jeune qui cherche un trésor dans les contraintes drainées par la tradition, adulte qui accepte de n’être pas seul au monde.
L’espérance du vieillard
Le déni, voilà la première tentation. « Cela ne me touchera pas », se dit le vieillard qui pense que sa maison durera bien autant que lui, qu’il n’a pas besoin d’en réparer le toit qui laisse passer la pluie ni les fenêtres où siffle le vent, que les organismes de retraite auront toujours assez d’argent pour honorer leur dette envers lui. Le pire qui se prépare dans la société, il ne sera plus là pour le voir. Refusant d’entreprendre, il renforce le schisme entre le monde et lui.
À contre-courant, l’esprit inspire une autre réponse. Entreprendre suppose le courage d’envisager un avenir, et plus encore : toute entreprise, individuelle ou collective, trouve son vrai moteur, non pas dans le fantasme d’un avenir sans arêtes, mais dans le « projet » qui se nourrit de confiance partagée, car le projet ne va jamais sans problèmes courageusement affrontés.
Le même qui parlait de « destruction créatrice » faisait remarquer que le pire danger de notre économie est l’oubli des générations futures. C’est ainsi que les hommes politiques, obnubilés par l’échéance électorale la plus proche, en refusant d’envisager, au-delà de leur réélection, un futur qui ne leur appartiendra pas, contribuent large...
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