La culture comme forme d’être au monde
La notion de culture fait problème. Tant que l’on s’en tient à des coutumes, des valeurs ou encore des identités, il paraît peu approprié, dans le monde mouvant qui est le nôtre, de parler de « culture », en entendant par là quelque chose de relativement stable et consistant. Mais, à l’expérience, on rencontre durablement dans chaque société quelque chose de souterrain et de résistant, qui échappe largement à la conscience des acteurs mais n’en marque que mieux leur rapport au monde 1. Dans chaque société, la manière de vivre ensemble est imprégnée par l’existence d’une catégorie particulière de situations qui donnent le sentiment d’une menace. Cette existence d’une zone d’expérience qui suscite trouble, inquiétude, angoisse, scande profondément le cours de l’existence. Elle influence la manière dont les événements, les situations, sont perçus et vécus. Un intérêt tout particulier est prêté à ce qui est susceptible d’évoquer soit ce qui inquiète, soit les voies permettant de s’y soustraire. L’opposition entre ces deux pôles structure une sorte de scène au sein de laquelle les événements et les situations prennent sens selon qu’ils se situent du côté du péril ou du côté ce qui en délivre. Une telle scène fournit un cadre de sens commun, à la fois inconscient et remarquablement stable à l’échelle de l’histoire, partagé, comme une sorte d’évidence non discutée, par des individus, des courants sociaux et politiques, que tout peut opposer par ailleurs. Les situations nouvelles, les événements nouveaux, sont lus, tout autant que ce qui est familier, en adoptant cette perspective. Le fait d’y être exposé sans cesse, de l’adopter soi-même et de la retrouver chez ceux que l’on côtoie, quand on argumente, pour attaquer ou se défendre, ou même simplemen...
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