La communauté n'est au terme du mouvement de la conversion que parce qu'elle est à l'origine de l'appel à se convertir. La conversion est une décision personnelle, puisqu'elle permet le renouvellement de la relation à l'autre, et c'est précisément la définition de la personne que la relation à l'autre. La conversion est aussi une décision solitaire qui ne dépend que de moi seul, c'est-à-dire de moi face à Dieu qui me donne d'être et m'appelle, c'est pourquoi la décision établit l'homme dans son originalité la plus pure : le disciple de celui qui l'appelle, l'époux de celle qui l'attend, le compagnon de ceux qui ont engagé leurs vies avec lui.

Personnelle et solitaire, la conversion est donc tout aussi plurielle (communautaire, communionnelle) car l'attention à qui appelle fait découvrir que cet autre est avec d'autres. Le mouvement de la conversion, s'il ne s'arrête pas aussitôt qu'entrepris, introduit dans la pluralité des autres et, en conséquence, à la communauté. Nous vivons chaque jour ce mouvement qui ramène dans la communauté celui qui s'en était coupé en s'isolant dans la poursuite de lui-même.

Début évangélique de la conversion
Du Baptiste aux disciples de Jésus

En lisant les évangiles de Matthieu (Mt 3 et 4) et de Marc (Mc 1), nous passons du Baptiste à Jésus pour aboutir aux disciples. Mais ni la démarche de Jean, qui disparaît après le baptême de Jésus (Mt 4,12), ni celle des disciples qui n'apparaissent qu'au terme ne sont présentées dans leurs déroulements. Introduite par l'apparition du terme « conversion » et conclue par sa reprise, l'expérience qui est présentée est d'abord celle de Jésus.

Cette expérience est un itinéraire, un mouvement. « Jésus vint de Nazareth », arraché par l'appel de Jean à sa vie antérieure de Juif pieux attendant la réalisation de la promesse. Il reprend à son compte et récapitule l'expérience de mort de son peuple lors du Baptême, il entre en effet dans l'eau du Jourdain en se laissant guider par le Baptiste. Il en sort vers la vie pour connaître, comme un nouveau Sinaï, la révélation du Père : « Tu es mon fils bien-aimé. » Il est alors conduit au désert, établi dans la solitude : seul, pour répondre à la proposition d'être aimé, seul pour résister à la tentation d'utiliser le pouvoir qui est le sien pour lui-même, seul pour décider d'entrer dans sa mission de crier la nouvelle : « La venue de Dieu en sa personne »,