Contempler l’attitude de Jésus dans la tentation  (évangile du dimanche 5 mars, Mt 4, 1-11).

  1. Jésus est sensible à la tentation.

C’est l’Esprit qui conduit Jésus au désert pour y être tenté par le diable, l’esprit diviseur, qui cherche à s’immiscer dans sa conscience, pour pervertir la relation à son Père qui vient de l’engendrer au Jourdain comme fils de Dieu par sa Parole. Cette épreuve met en lumière l’unique enjeu de notre combat spirituel de baptisé : comment vivre en fils de Dieu dans la chair, dans notre monde et notre histoire ? « Si tu es fils de Dieu… tu dois faire ceci, cela,… vivre comme ceci, comme cela… ».  Ainsi la tentation déploie-t-elle  en nous un imaginaire, parfois grossier, souvent généreux aussi, à partir d’une image faussée de Dieu et de l’idée que nous nous faisons de sa toute-puissance : un Dieu qui se substituerait à nous, nous volerait notre liberté. Comment sommes-nous touchés par la tentation ? En quoi est-elle une épreuve spirituelle pour nous ?

 

Les tentations de Jésus nous révèlent la manière dont l’esprit de mort, l’esprit du mal cherche à détruire notre liberté en agitant en nous de fausses images de Dieu (richesses, succès, honneurs, prouesses, exigences, vengeance,…). Révélation libératrice qui nous permet de nommer ce qui se passe en nous comme en Jésus et de sortir de l’illusion.

 

  1. Trois manières de pervertir la relation à Dieu et aux autres.

La première est la suffisance, la peur de manquer et d’avoir faim, qui nous enferme et nous isole dans la maitrise que nous avons sur nous-même, sur les choses, le monde, nos relations, les autres. Alors que ce qui nourrit vraiment c’est l’autre, avec l’enrichissement et l’avenir que la relation avec lui  ouvre et engage. Où le manque nous rend-il plus fragile ?

La seconde est le pouvoir que nous sommes tentés de prendre sur l’autre par le prestige et la manipulation. Alors que c’est en travaillant à nous rendre mutuellement libres que nous nous humanisons et pouvons construire des liens sûrs, durables et heureux. Où nous mènent notre savoir, nos compétences, nos talents et ambitions ?

La troisième est l’asservissement de l’autre dont nous faisons notre otage aux fins que seule notre volonté s’accomplisse et triomphe dans une sorte de possession et de contrôle jaloux de tout ce qui nous concerne. Alors que seuls le respect et le service permettent d’entrer dans une relation responsable avec les autres. Où nous conduisent nos rivalités, nos désaccords ?

 

Il y a une gradation dans les tentations qui indique que le combat est long, permanent. Mais la victoire de Jésus nous est acquise, pourvu que nous combattions, et nous en montre l’enjeu : notre propre liberté inséparable de celle que nous laissons à Dieu et aux autres, au « prochain ». C’est l’avenir du Règne de Dieu et d’un monde humain qui est en question.

 

  1. Résister à la tentation, vaincre « l’ennemi ». Trois points d’appui.

Le premier est la Parole de Dieu. Là où l’ennemi, l’esprit du mal fait imaginer, séduit, fascine, en justifiant par une parole tirée de l’Ecriture, Jésus restaure la parole vraie, la parole dans laquelle se tisse une relation juste et libre, qui témoigne du respect de l’autre, la Parole créatrice et libératrice de Dieu. Comment nous aide-t-elle ?

Le second est la volonté de Dieu, le désir de ne rien vouloir accueillir ou faire sans le Père et le secours de son amour qui se donne dans une Parole qui réconforte et fait vivre, car elle tient compte de notre réalité, de nos limites. Se nourrir de cette Parole: elle nous met en dialogue et en lien avec Dieu et avec les autres (la prière et la conversation) ; elle nourrit notre désir de liberté dans notre corps, nos relations, notre environnement ;  elle nous engage dans le respect et le service de Dieu, des autres et particulièrement des plus pauvres, et de l’avenir du monde, de la planète. 

Le troisième est de se porter à l’opposé de la tentation comme cela peut se déduire de l’Evangile, et comme saint Ignace de Loyola le recommande. A la suffisance des richesses, opposer le désir d’accepter de manquer et d’honorer l’autre par la parole partagée. Au prestige et au goût des honneurs, refuser de mettre Dieu ou l’autre à l’épreuve, au risque d’en éprouver parfois du mépris. A l’opposé de l’orgueil, s’en remettre à Dieu seul et respecter l’autre, au prix de s’en sentir parfois humilié.

 

A l’image de Jésus, résister à la tentation ne consiste pas à sacrifier notre humanité,  mais, en refusant les propositions tentantes qui mènent à la destruction de la paix et de l’amour, cela consiste à  initier et nourrir des processus nouveaux de relations libres et vraies, et d’abord ave le Père. La joie d’aller de l’avant en est le fruit et l’humilité, l’humus qui nous fait grandir, le chemin, chemin d’humanité pris par Jésus pour révéler comme fils de Dieu et frère en humanité !

Bonne semaine !