Célébrer la fête de Saint Ignace (31 juillet), c’est rendre grâces pour tout ce que cet homme a apporté à l’Eglise et au monde à l’aube des temps modernes. Mais c’est aussi faire mémoire d’un homme qui n’a cessé de se laisser travailler aux racines de sa  confiance, en lui-même, en Dieu, dans les autres. Que ce soit à Loyola où il se remet difficilement de sa blessure de Pampelune et de son rêve brisé, où à Manrèse où une terrible crise de scrupules le mène au bord du suicide, où encore à l’entrée de Rome, accueilli par les « volets qui se ferment » et les obstacles qu’ils présagent, sa confiance est ébranlée par l’échec, l’adversité, la tournure des évènements.

Précieux sont ici les conseils qu’il prodigue dans ses lettres à des compagnons partant en mission pour gagner la confiance des autres, car ils portent la trace de ce  qu’Ignace a pu expérimenter pour lui-même dans cette reconstruction d’une foi et d’une confiance éprouvées. Il ne suffit pas de s’en remettre à Dieu dans un abandon total, comme on le sent dans son « journal spirituel » par exemple, mais il faut aussi lutter contre l’esprit de mort et de défiance qui tente de s’installer subrepticement en nous, et emprunter pour cela ses propres moyens : rejoindre en nous comme chez l’autre, « un point particulier qui est bon », de manière à « gagner à partir de là sa confiance en manifestant plaisir et joie intérieurs pour s’opposer » aux sentiments de tristesse et d’amertume qui minent la confiance et découragent tout projet. Rejoindre ce qui est bon en nous ou chez les autres pour s’en réjouir est l’unique chemin qui permet d’évacuer tristesse et mauvais esprit pour élargir la confiance dans la victoire de la bonté et de la vie sur la désespérance et la mort.

Le besoin de s’entraider à enraciner la confiance se fait fortement sentir aujourd’hui dans la famille, dans les groupes, dans la société. C’est moins le désir de faire place à l’autre qui est ici en cause, que la propension à laisser des affects chargés de colère et d’amertume nous défaire intérieurement et empêcher tout accès à une mémoire commune créatrice d’avenir. Entrer par la porte de l’autre, se laisser rejoindre par lui est peut-être la voie étroite à emprunter, à l’image d’Ignace, pour « sortir » vers un avenir plus confiant et inventif.

Dans sa prière alors, il se remet totalement à Dieu dont il attend tout, jusque dans le détail des Constitutions qu’il est en train de rédiger, comme le montre l’extrait de son « Journal spirituel ». Cependant, la restauration d’une pleine et juste confiance en soi et dans les autres, appelle d’autres attentions.