Selon le prophète Isaïe, la première figure du Messie qui vient à Noël est celle d’un « conseiller  merveilleux ». Avouons que souvent nous passons devant lui sans le voir, pressés de nous retrouver auprès du « Dieu fort », du « Père à jamais » ou du « Prince de la paix », figures plus familières ou accessibles peut-être. Et pourtant ! C’est tellement stimulant le point de vue de quelqu’un qui de l’obscurité fait jaillir une lumière, qui indique une direction sûre dans la confusion.  Où est le chemin de la vie, et comment s’y tenir ?

Plus qu’un prophète ou un sage, cependant, notre conseiller merveilleux est la parole de Dieu qui se fait l’un de nous, « Dieu avec nous ». La merveille est de nous introduire amoureusement, comme le fut Marie, dans la délibération, le conseil, que Dieu ne cesse de tenir en lui-même pour le seul bien de notre liberté et de la création à faire advenir avec lui.  Dans les Exercices spirituels, saint Ignace invite ainsi le chercheur de Dieu à entrer dans ce regard d’amour trinitaire sur le monde, pour éveiller et faire grandir en lui, comme en Marie, le désir de donner chair à la parole de salut de Dieu.

Tout ce qui nous concerne, tout ce qui engage notre liberté à chaque instant, tout ce qui construit notre style de vie personnel et collectif l’intéresse. Il nous faudra seulement faire preuve d’un cœur attentif au moindre signe d’humanité pour le découvrir : tout proche de nous parfois, caché dans les plis de nos pauvretés où soudain jaillit une joie pleine de lumière qui nous met en route, comme les bergers de la crèche. Soit bien loin de ce que nous pensons ou vivons, comme les mages qui se laissent éclairer par ce qu’ils déchiffrent et entendent des autres, même quand ceux-ci sont animés des pires intentions.

Ce « merveilleux conseiller » nous touche dans ce qui nous meut ou nous ébranle le plus profondément,  au plus intérieur et fragile de nous-même et du monde.

  • La détermination de nombreuses personnes à rendre notre monde habitable et vraiment commun pour tous, est un signe d’humanisation. Qu’il s’agisse d’une action très limitée ou d’une conviction combattant une surdité et un aveuglement massifs, ce signe nous rappelle que l’espérance la plus durable se donne dans une naissance infiniment fragile et improbable.
  • La volonté de mettre fin à l’accroissement démesuré des inégalités et de répartir plus justement les richesses au sein des sociétés et entre les pays est significative. Dans l’Alliance entre Dieu et les hommes, la destination des biens est universelle, et devant la crèche, aucun bien ne tient qui ne soit d’abord le signe d’un don, les mages l’expriment dans la simplicité de leur geste.
  • Persévérer dans la démarche de vérité en Eglise vis-à-vis des abus du cléricalisme, avancer fermement dans l’éclaircissement de la mission des femmes, de la diversité des ministères et des communautés de foi, sont autant de signes de l’Esprit qui travaille le Corps éternellement vivant du Ressuscité. Sa mise au monde appelle gratuitement toute personne de bonne volonté à y donner sa foi, ses compétences, son énergie. Tels les innombrables santons…

 « Conseiller merveilleux » est le nom de l’enfant toujours à naitre en nos cœurs, lui qui vient changer l’aridité de nos calculs en source d’amour pour la gloire de Dieu et le salut du monde.