On raconte qu'un vieux rabbin fut enfermé par ses ennemis dans une grotte où n'entrait pas un rayon de lumière, en sorte qu'il ne pouvait savoir si c'était le jour ou la nuit. Le rabbin, homme fort pieux, était également tourmenté de ne pas savoir quel était le jour de la semaine car il ne pouvait célébrer le Shabbat. De plus, il était tenaillé par le désir cuisant de fumer et se reprochait de ne pouvoir se dominer. Soudain, à un moment précis, il sentit s'éteindre son désir de fumer et se dit à lui-même : « C'est vendredi soir : l'heure où, généralement, mon désir pour tout ce qui est interdit au Shabbat m'abandonne… » Il se leva rempli de joie, il rendit grâce à Dieu et bénit le Shabbat. Il continua ainsi semaine après semaine : le cuisant désir de fumer l'abandonnait invariablement à l'heure d'entrer dans le Shabbat1. Une expérience de manque, d'anxiété et d'incertitude s'était transformée en expérience de plénitude, de sérénité et d'allégresse.

Jésus avait aussi, semble-t-il, la certitude qu'il était possible de dépasser une situation initiale d'obscurité et de désolation pour accéder à un cadre différent et lumineux, et voilà pourquoi il fit à ses disciples cette promesse audacieuse : « Votre tristesse se changera en joie » (Jn 16, 20). Cette même promesse qu'avait reçue Moïse près du buisson : le Seigneur voulait les sortir d'Égypte et les emmener vers une terre spacieuse et fertile où ruisselaient le lait et le miel (cf. Ex 3, 8), mais, pour cela, ils devaient se déplacer, abandonner le déjà-connu, entreprendre un exode. L'aventure n'était pas facile et se trouva en butte à des résistances et des protestations : « Vous nous avez fait sortir vers ce désert », « En Égypte, nous mangions du pain à satiété », « Nous allons mourir de soif… » (Ex 16, 3 ; 17, 3).

Beaucoup, en effet, rechignèrent à s'ouvrir à des expériences inédites dont la nouveauté les dépassait. Nicodème écouta une nuit l'appel à « naître de nouveau » et ne comprit pas cette étrange proposition en alléguant cette évidence : il est impossible de retourner au sein maternel et de renaître (Jn 3, 4). Une femme de Samarie entendit parler d'une eau vive qui ôtait la soif pour toujours, et elle répondit au Galiléen qui la lui offrait par un argument