D’avoir les mêmes parents nous fait frères et sœurs, créant un lien tout à fait unique qui porte en lui-même et à la même mesure les germes potentiels du meilleur… comme du pire. En effet, ce qui nous lie aux parents, dans le besoin que nous avons tous d’être reconnus et aimés, devient le lieu même d’une rivalité qui peut se faire féroce si pointe le sentiment (subjectif ? objectif ?) qu’un « autre » est préféré. Or, pour le petit enfant, le monde se présente au départ en tout ou rien, en tout-bon ou tout-mauvais : jusque-là, dans un besoin fusionnel, « lui » (le parent), c’est « moi », et voici que désormais, avec cet intrus, pointe l’évidence inverse : si c’est « lui » (le petit frère), ce ne peut plus être « moi ».

Le psychanalyste J.-B. Pontalis écrit :

Mieux qu’être le préféré, l’élu – comment en être sûr ? –, être l’unique. Et mieux qu’être l’enfant unique, devenir unique. […] Comme il est tenace le désir d’être le préféré, l’élu ! Comme il resurgit au moment du partage ! Que de brouilles familiales il provoque ! Il arrive qu’elles se répètent de génération en génération. À l’origine du conflit : une mère ne se partage pas.
 

C’est précisément cette souffrance d’une équation contradictoire provoquée par l’arrivée d’un rival qui va obliger chacun à interroger ses illusions d’omnipotence et à se poser des questions :
– D’abord : « D’où vient-il, celui-là ? », se demande l’aîné(e) qui voit un petit intrus envahir son territoire – question qui ouvre au champ du sexuel ;
– Mais aussi et surtout souffrance qui oblige à chercher une issue à cette concurrence pour l’amour de la mère, puis des parents. Et les enjeux sont ici existentiels : au creux de cette rivalité fraternelle, qui va ou non permettre le maniement de l’agressivité dans l’accès à l’ambivalence, commence à se poser une double question concernant ma propre identité. Me demander :