Le Carême est comme un temps de fiançailles. Un temps de connaissance mutuelle où, animés d’un même désir de s’ajuster à celui de l’autre, on se laisse ouvrir par lui. On met sa joie à le connaître et à se laisser connaître avec les beautés qui nous habitent, mais aussi avec le risque d’exposer nos failles. Laisser Dieu dans son amour nous mettre en lumière devant lui, nous fait gagner en liberté et en confiance, comme le peuple hébreu dans le désert. C’est le sens de la prière où s’affine notre écoute de la Parole et de la présence de Dieu dont nous désirons vivre toujours plus ardemment.

Ce temps ouvre alors un espace en nous, celui de l’autre et de son amour, que chacun a à cœur d’élargir et d’approfondir en soi, avec la grâce de Dieu. C’est tout le sens de nos efforts de Carême : aider le Seigneur à dégager ce qui fait obstacle ou résiste à sa venue libératrice en nous et parmi nous.

Saint Ignace nous invite ici à faire preuve de réalisme spirituel, et sa pédagogie peut nous être précieuse. Nous aimerions changer d’un coup notre cœur mal aimant. Et surtout ce qui, en lui, nous semble le plus désaccordé à l’amour de Dieu,  sans pourtant tenir compte de Celui qui nous aime plus que lui-même. Oui, notre cœur se convertit, s’attendrit, mais par petites touches, en commençant modestement par ce qui est davantage à notre portée, ce qui nous sera plus facile à tenir et à installer en nous. Tel geste, telle parole, tel type de jeûne, tel petit engagement à l’égard de telle personne commencera un comportement nouveau, orientera autrement notre cœur et réduira notre égoïsme ou notre orgueil. Chaque année l’Eglise nous invite à de telles conversions très concrètes.

C’est ainsi que l’impossible devient possible. Le gain en liberté et en charité sur un petit point de nous-même se communique progressivement à d’autres dimensions de notre liberté. L’esprit de mort, qui nous travaille,  perd ainsi de son pouvoir dans les combats que nous menons (1Co 15, 55), tandis que s’accroissent à sa place la force et le désir d’aimer Celui qui nous sauve et nous attire à Lui.

Bonne entrée en Carême !