Malgré une oeuvre foisonnante, protéiforme, Claude-Henri Rocquet (né en 1933) reste un auteur encore trop méconnu. À l’heure actuelle, il est plutôt réputé pour ses superbes et magistraux ouvrages sur des peintres comme Brueghel, Bosch ou Van Gogh, ouvrages qui sont aussi des invitations à regarder de près des tableaux avec tous nos sens : l’histoire de l’art s’y abreuve constamment à la source spirituelle. Par ailleurs, certains se souviennent de la publication de ses entretiens au long cours avec de grandes figures intellectuelles et mystiques de notre temps : Leroi-Gourhan, Eliade, Lanza del Vasto. Grâce à une connaissance aiguë de l’oeuvre de ses interlocuteurs et un fort engagement personnel, Rocquet a su faire ressortir bien des aspects insoupçonnés de leur pensée. Et puis, il est apprécié par un public plus restreint — mais non moins fervent — pour son théâtre original, jamais très éloigné du conte ou du récit, car composé de puissants monologues. Parfois difficile à mettre en scène, ce théâtre se lit cependant avec aisance, surtout qu’il s’adosse, ici comme ailleurs, à une langue magnifique, somptueuse par moments, et pourtant familière avec sa solide simplicité.
Tout en revenant sur les champs d’écriture et de réflexion plus haut mentionnés, nous tenterons dans ces quelques pages de tracer l’itinéraire humain, spirituel et mystique de Claude-Henri Rocquet. Il comprend, à notre avis, trois périodes assez distinctes, bien que toutes mues par la recherche du vrai visage de Dieu le Père.
Tout en revenant sur les champs d’écriture et de réflexion plus haut mentionnés, nous tenterons dans ces quelques pages de tracer l’itinéraire humain, spirituel et mystique de Claude-Henri Rocquet. Il comprend, à notre avis, trois périodes assez distinctes, bien que toutes mues par la recherche du vrai visage de Dieu le Père.
La quête des origines
La première période, si l’on s’en tient aux seuls écrits, court sur environ vingt ans jusqu’au début des années 80. Dès son premier ouvrage, écrit durant la guerre d’Algérie, on trouve cette quête radicale dans le long poème liminaire intitulé « Rupestres », où l’auteur s’adresse aux récifs : il les implore de pouvoir loger en eux en attendant « le passage de la présence nouvelle ». Chaque partie du poème (qui en compte huit) propose une approche différente du règne minéral : les rochers tour à tour prennent forme de pèlerins encapuchonnés, de pharaons, de pères muets, de tombes et de ventres, et même d’« Adam endormi dans sa glaise avant l’imposition des narines ». Le jeune poète s’affronte à la « durante dureté » de ces « Dormeurs faits nuit, rochers revêches revêtus / D’écorce sans couture sur vos songes d’un bloc ! ». Et pourtant :
« Rien à faire, rochers, vous me laissez
À la porte ;
Moi, l’homme qui cherchait amitié.
Vous me fuyez dans un geste.
Vous me laissez dehors Comme une pluie.
J’écoute, vous êtes muets.
Je parle, — à des sourds.
Je vous touche, dormeurs, à l’épaule :
Rien ne vous dérange de votre pétrin de songe ! » 1.
À la porte ;
Moi, l’homme qui cherchait amitié.
Vous me fuyez dans un geste.
Vous me laissez dehors Comme une pluie.
J’écoute, vous êtes muets.
Je parle, — à des sourds.
Je vous touche, dormeurs, à l’épaule :
Rien ne vous dérange de votre pétrin de songe ! » 1.
On pourra juger ce poème naïf, et il l’est en effet, dans une certaine mesur...
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