Comment être sûr que c’est bien Dieu qui me parle, que je ne suis pas en train de me tromper de voix et… de voie ? Cette question, les accompagnateurs spirituels l’entendent souvent ; il peut arriver à tout un chacun de se la poser pour lui-même. Quelle assurance, pour qui travaille à «â€¯chercher et trouver la volonté divine dans la disposition de sa vie en vue du salut de son âme » (Ex. sp. 1), d’avoir bien trouvé ? En christianisme, la tradition du discernement spirituel qui, même à travers des évolutions et différences notables entre époques, contextes, auteurs, s’est forgée avec une grande continuité au fil des siècles et qu’Ignace a recueillie, peut-elle fournir quelque assurance ?
Le discernement apparaît bien comme l’art de ne pas se laisser tromper dans la vie spirituelle. Serait-ce possible s’il ne comportait une dimension d’intelligence ? Mais le secret de l’assurance qu’il procure, n’est-il pas ailleurs, plus profondément encore ?


Pour ne pas se laisser tromper

Si la vie spirituelle n’était soumise au risque de se tromper, aurions-nous besoin du discernement ? Peu d’autres trésors de l’expérience chrétienne prennent autant ce risque à bras-le-corps. «â€¯Un esprit a choisi avec toute sa volonté et son propos de tromper et d’opérer le mensonge », note Origène. Dans la première tradition monastique, le discernement porte sur les «â€¯pensées », qui peuvent être illusion, mirage, séduction. L’Imitation de Jésus Christ reconnaît qu’«â€¯il est difficile de discerner avec certitude si c’est l’esprit bon ou mauvais qui vous porte à désirer ceci ou cela, ou même votre esprit propre » (III, 15,1). Dans les Exercices d’Ignace de Loyola, l’ennemi se meut dans l’apparence (314), se sert de «â€¯fausses raisons » (315) ; la consolation elle-même ne suffit pas toujours à indiquer la voie de Dieu : le mauvais ange peut s’en servir à ses propres fins (331), «â€¯se transform[er] en ange de lumière » pour «â€¯entraîn[er] l’âme dans ses tromperies et ses intentions perverses » (332) ! Même la consolation sans cause, exempte de toute tromperie puisqu’«â€¯elle est de Dieu notre Seigneur seul » (336), peut être suivie de projets suspects. La méditation sur deux étendards fait explicitement