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Trop inégal, le face-à-face. Aussi m’arrive-t-il de me détourner un moment de la mer, de son regard émeraude, pour mieux l’entendre.
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Avec la Mer en majuscule et de haute lignée, mais à juste distance d’un regard, terrien de basse extrace, je ne partage que le gris-bleu des yeux, le sel des larmes et l’amour fou de l’horizon derrière l’horizon. C’est peu, me direz-vous. Mais c’est déjà plus qu’il n’en faut pour s’ignorer.
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Dans le bourdonnement lointain du remorqueur l’Abeille Bourbon, mer et forêt se pollinisent. Entouré de mon âme, seul au bout de l’attente, j’erre sur la jetée en demandant à mon cœur d’aller à mon pas et, soudainement, de naître de mon étonnement.
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Là-bas, la mer qui n’en finit pas. Le ciel si lent que les mouettes se fanent en plein vol. Là-bas, dans un pays de fin du monde, le ciel s’en va épaules basses…
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Une île ? Un rêve qui prend l’eau de toute part. Un pacte avec la solitude. Un sommeil à lit clos sous la rosace des couchants. Une île ? Un bonheur à toute heure sur son chemin de ronde… Notre centre de gravité. Notre épiderme du dedans.
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Ma presqu’île est toujours sur le point de partir à la dérive. Ce presque rien qui la retient l’empêche de quitter sa vie de sédentaire en mal d’incertains exotismes et d’escales lointaines.
Partagée, ma presqu’île voudrait se protéger des importuns la menaçant de leurs visites tout en se départant d’un esprit trop péninsulaire.
Laisser mourir de vieux navires dans ses cimetières aux pieds des belvédères : voilà ce qui chagrine ma presqu’île. Ce qui la réjouit : c’est d’entrouvrir ses portes à l’infini, d’offrir dans son sillage la silhouette profilée de ses rochers en pointillés…
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« Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie » (Charles Baudelaire).
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Sein.
Sur l’île, maille à maille, la brume resserre son étreinte et tout s’estompe. Tout passe, mais comme archet sur les cordes d’un arc-en-ciel au gré d’escales concertantes… Demeurent, en filigrane, l’osmose de la mer au bout d’une venelle et le bleu pastel des volets clos dans l’attente et le vacillement doré des crépuscules.
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Reboiser la mémoire.
Gothique, le ciel se voûte de plus en plus sous l’ire des rafales. Haut-le-corps des arbres, trombes d’eau, murs qui tremblent, horizon en lambeaux… La horde des vents, l’aurions-nous affamée pour qu’elle déchire ainsi de ses crocs acérés tout un pays en déshérence ? (Ouragan, 15-16 octobre 1987.)
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Rapide, le pouls des ma...
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