Au départ de cette réflexion, nous observerons les deux définitions du mot « événement » telles que les propose un dictionnaire historique de la langue française. Cela pourra sans doute nous aider à réfléchir aux différences qui peuvent exister entre la manière dont bouddhistes et chrétiens se situent devant l'« événement », qu'il soit personnel ou collectif. Voici ces définitions : 1. « Fait auquel vient aboutir une situation » ; 2. « Fait d'une certaine importance pour l'être humain, de par son caractère exceptionnel » 1.
La première de ces définitions est très sobre et ne dit absolument rien de l'importance du « fait » en question. C'est presque comme si elle reconnaissait que l'importance ou la non-importance de l'événement dépendait d'abord du regard que l'on porte sur lui. En effet, et nous en avons sans doute tous fait l'expérience, le même événement qui laisse certaines personnes indifférentes peut être bouleversant pour d'autres... La seconde définition met en valeur le caractère important, voire exceptionnel, du « fait » en question, ainsi que son rapport avec l'homme. D'une certaine façon, au simple « fait », elle ajoute une interprétation de ce qui se passe. L'événement, en ce sens, fait partie d'une histoire — personnelle ou collective — et la marque. Certains événements peuvent parfois même l'infléchir, et c'est pourquoi l'on porte sur eux un regard tout à fait particulier.
De manière générale, on peut dire — mais avec beaucoup de prudence — que l'« événement » est d'abord, pour les bouddhistes, ce « fait auquel vient aboutir une situation » et, pour les chrétiens, un « fait d'une certaine importance pour l'être humain, de par son caractère exceptionnel ». L'incise : « mais avec beaucoup de prudence » est nécessaire, car il faut bien reconnaître que, le plus souvent, bouddhistes et chrétiens réagissent de la même manière aux événements — pris au second sens du terme. Les bouddhistes accueillent l'« heureux événement » d'une naissance, par exemple, avec la même joie que les chrétiens. Quand les premiers perdent un membre de leur famille, ils connaissent les mêmes émotions, la même souffrance, que les seconds, et éprouvent la même horreur devant les diverses formes de violence qui déchirent le tissu social, le même désarroi face à la guerre. Peu de bouddhistes vont au-delà de ces premières et très humaines réactions, pour réfléchir à ce que dit leur tradition sur ce qui vient de se passer. On pourrait bien sûr dire la même chose pour les chrétiens. Mais si l'on regarde ces deux grandes traditions de plus près, les choses deviennent plus claires 2.

L'événement dans la cohérence bouddhique


Pour les bouddhistes, tout être vivant est prisonnier du samsara — cycle des naissances et des morts dont la durée est incalculable. Dans ce cycle, du fait de la « loi karmique » (karma : l'acte et ses conséquences), l'être vivant peut naître sous diverses formes, selon la qualité des actes qui ont...
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