Pemn, 2003, 747 p., 25 €.

Pour honorer Bossuet mort en 1704, voici une biographie millésimée, aussi érudite que simple de ton. Avec elle, voici l'homme, descendant de la chaire où le cantonne notre imaginaire.
Courageux, infatigable et fidèle, il fut de tous les combats politico-religieux : protestantisme, gallicanisme, quiétisme, etc. Au gré des événements, il avait choisi d'épouser les deux plus grandes causes, celle de Dieu et celle du Roi-Soleil. Mais au risque de les confondre et de perdre toute mesure. Bossuet n'a pas seulement illustré les splendeurs du Grand Siècle, il a contribué à ses misères. Il connut des triomphes et des camouflets ; il dépensa des trésors d'éloquence et de mesquinerie ; il se montra impitoyable et généreux, sublime et partial.
Le théologien redoutable fut un oncle naïf, roulé, en pleine querelle quiétiste, par un petit prêtre paillard. L'orateur de feu était un directeur spirituel délicat, invitant à cultiver le goût du bonheur...
Et ces déroutants contrastes permettent de conseiller cet ouvrage à d'autres lecteurs que les amateurs d'Histoire. Pourquoi ne pas en faire une lecture spirituelle ? Non que l'auteur ait voulu édifier en évoquant le destin du grand homme. Il s'interdit autant l'hagiographie que le pamphlet. C'est le sujet même qui est édifiant. Bossuet n'a pas seulement prêché sur la vanité, il l'a vécue. A-t-il été heureux, cet homme écouté des foules, confident du Roi, admiré par ses pairs, redouté de ses ennemis ? Les fumées de la gloire ont-elles pu lui cacher qu'il fut en fait l'alibi spirituel de la Cour, le jouet de la diplomatie royale ?
Bossuet, ce livre l'établit, échoua finalement dans la plupart de ses entreprises, impuissant à triompher des forces intellectuelles qui préparaient les Lumières, assez lucide pour pressentir le déclin du Soleil, et pas assez déterminé pour se donner totalement à Dieu II y a du jeune homme riche dans ce vieillard éclatant. Il a dû s'en aller tout triste. Reste l'écho de bronze des Sermons.