Bernard Foucher est un artiste engagé. Engagé ne veut pas dire inféodé à un parti ou à un esprit de chapelle. Engagé signifie que l'art est inséparable chez cet homme d'une expression et d'une expérience de l'Incarnation. Pas de querelles de mots pour en parler, mais un style, des couleurs, des formes, des matières qui laissent respirer la liberté infinie du réel. Dieu parle à travers elle quand les artistes ne sont plus condamnés à produire pour produire.

Entre art contemporain et art « sacré », un art qui s'inscrit dans la plénitude de la liturgie catholique, Bernard Foucher construit une oeuvre originale et forte. Marqué par l'art roman et l'hospitalité des moines de saint-Benoît sur Loire, il sait jouer avec joie des relations tendues entre peinture et sculpture, légèreté de l'imaginaire et monumentalité du mémorial.

On peut le constater en allant visiter l'église Notre-Dame des foyers à Orléans. Les vitraux éclairent ce lieu de célébration avec limpidité et profondeur ; ils racontent la vie des cisterciens de Tibherine en insistant sur la couleur du ciel et la couleur du sable. Entre elles se tisse, indéchirable, une solidarité analogue à celle de l'Esprit et de la chair, une solidarité d'intuition et de prière, de corps et de style ; on y découvre aussi l'alliance des images et des mots, ceux du frère Christophe qui disent la lumière de Dieu toujours accessible à un regard d'enfant.

Enfin, les installations de Bernard Foucher mettent aussi en musique l'art du volume et celui de la surface. La dernière d'entre elles est visible à la Biennale d'art sacré de Lyon (photographie ci-dessus) du 23 septembre au 17 décembre 2011.

Des branchages de laiton et de bois se répondent de part et d'autre d'un habitacle en inox : à l'arrière de cette sculpture se dresse une toile où dominent un fond bleu et le dessin tremblé d'une croix couleur sel.  Un large trait transversal en menace la visibilité, noir comme la trace d'un pneu crissant sur l'horizon.

Cet ensemble est bordé de deux colonnes de petits rectangles gravés allant pour la couleur du jais au myosotis. On n'y voit rien que les entailles lumineuses du geste de l''homme sur la matière brute ; elles forment un paysage qui entre en composition avec la sculpture au centre de l'installation.

Les relations entre peinture, gravure et sculpture suggèrent non seulement une continuité entre l'espace de la fiction, l'espace peint et celui des objets à trois dimensions, mais elle établit aussi une liaison intelligente entre la grande toile et ses petits « à côté ». Ces derniers ne sont pas les faire-valoir d'une pièce maîtresse, mais ils entrent en consonance avec elle pour mieux s'en démarquer et célébrer d'un même mouvement sa singularité et la leur.

Il y a aussi dans cette oeuvre de profondes assonances entre le jeté des traits et des taches de lait sur le bleu ciel et la charpente tout de netteté des branchages de bois et de laiton. En bref, le monde de Bernard Foucher n'est pas le monde du nirvana, mais c'est un monde à la paix conquise de haute lutte, montrant à l'oeuvre par les ruptures de construction nécessaires la transformation toujours possible de l'hirsute et du non-sens en un monde gracié par la lumière et les couleurs de l'Esprit qui traversent aussi ses turbulences et ses vices.

Claude Tuduri, sj


Biennale d'art sacré contemporain à Lyon, Espaces Confluences, 1, rue saint-Jean, Lyon, 5ème et église saint-Polycarpe, 25 rue René Leynaud; 69001 Lyon 1er.