Paris-Méditerranée, 1999, 140 p., 85 F.

Ce livre aurait pu se ranger parmi les innombrables récits, vaguement hagiographiques, où le sentiment l'emporte sur l'analyse. A la lecture, il se révèle attachant, capable de nourrir non seulement le coeur mais aussi la réflexion. Par un souci rigoureux des sources et une intelligence du contexte historique, l'ouvrage d'Hervé Bréjon échappe au piège de la comptine édifiante. Saint Benoît Labre ( 1748- 1783), errant dans cette Europe des Lumières comme un perpétuel étranger, portant le poids d'une spiritualité marquée par le jansénisme du siècle antérieur, attentif aux eues et aux événements comme à autant de signes de Dieu, ne mouvant de repos dans aucun institut malgré le contexte ecdésial favorable, recevant gratuitement chaque jour son pain quotidien pour l'âme et pour le corps, ce « pouilleux de Dieu », selon l'expression reçue, provoque le désir d'un abandon joyeux.
Certes plus proche de la ttadition franciscaine que des écrits d'un Caussade, Labre a quelque chose pour séduire ceux que n'attire plus le clinquant de la modernité D'où l'ambivalence, bien soulignée par l'auteur, d'une attitude qui peut prêter à bien des récupérations. Jadis, quelques poètes échappés de la société, comme Verlaine et Germain Nouveau, amis de Rimbaud ; aujourd'hui, les meurtris de la vie ; et, depuis l'origine, tous ceux qui confondent la piété populaire avec un anti-intellectualisme coloré de culpabilité. Contre ces dérives, le livre de Bréjon nourrit une saine posture chrétienne.