Au milieu d’un grand jardin se dresse une vieille maison de l’époque ottomane, sorte de cube avec une avancée vers le nord, un porche surmonté par une pièce avec une coupole. Elle n’a plus tout à fait son aspect du XVIIIe siècle car son patio notamment a été fermé par une autre coupole. En outre, depuis sa terrasse, on distingue nettement deux toits en tuiles rouges du XIXe, anciennes dépendances de la maison. Le tout a été raccordé ensemble dans les années 1950 à 1970 par des terrasses plates, au moment où la maison a été donnée aux jésuites. On note encore un ensemble de garages et un puits creusé au XXIe siècle. Tout cela donne à la maison de Ben Smen un certain cachet : ses voûtes et son patio transportent aisément le visiteur en une époque révolue où il faisait bon vivre, dans la campagne (ou fash) d’Alger. Située sur les hauteurs, la maison est à la fois préservée de l’humidité de la mer et rafraîchie par la brise du large, ce qui fait que la vie y est beaucoup plus agréable qu’au centre-ville où la moiteur et l’absence de vent rendent l’atmosphère vite étouffante.

De fait, Ben Smen est donc ce qu’on appelle un « lieu source », un endroit où l’on peut reprendre souffle, se reposer, se ressourcer. Ce lieu a d’abord profité à une famille, qui y a aussi progressivement accueilli des camps scouts, jusqu’à un jour de 1946 où elle décida de la donner aux jésuites pour qu’ils en fassent un centre spirituel. Différents jésuites donnèrent successivement corps à cette réalité, en fonction de leur tempérament et des vicissitudes du temps. Au sortir des années 1990, dramatiques pour le pays, un nouveau souffle a été donné à la maison. Cela commença par un grand chantier de rénovation qui dura près de trois ans et recréa peu à peu un espace propice aux activités spirituelles.

 Un lieu et une présence

En effet, depuis le départ des clarisses d’Alger pour Nîmes, et la fermeture au public du monastère de Tibhirine, le besoin d’un lieu de ressourcement pour le diocèse d’Alger se faisait cruellement sentir. Les demandes étaient variées, allant d’une journée de récollection à un temps de retraite prolongé, d’une rencontre de groupe à une véritable session de formation humaine ou spirituelle. Dans tous les cas, l’important était de trouver un cadre propice pour chercher et retrouver la paix intérieure, ou au moins un espace paisible, à défaut d’être complètement silencieux, compte tenu de la proximité bruyante de l’autoroute.
Pour ce faire, chaque détail est important : l'accueil, bien sûr, qui suppose des personnes disponibles, mais aussi le caractère agréable et fonctionnel de la maison, jusqu'au jardin où la nature variée (espèces, couleurs, odeurs) permet à chacun de trouver un lieu à sa convenance, selon aussi son humeur du moment. Pour la décoration, il s’agit de veiller à une beauté sobre et reposante, dans le style du pays. Pour la fonctionnalité de la maison, l’entretien est essentiel, avec aussi l’att...
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