Gérard Bocholier occupe dans la poésie française actuelle une place à part, et de mieux en mieux reconnue. Auteur de plus de vingt recueils, il publie chez Arfuyen, après La Venue (2007), Belles saisons obscures.
Ce recueil s’ouvre à proximité de l’abîme, dans une nature où se déchaîne la violence de nuits d’orage, abîme qui est aussi celui du noir et du vide de l’âme. Il existe en effet une unité secrète de l’homme et du monde, dans un univers « Troué de feu obscur et d’étoiles / De matière éblouie et de larmes ». Ce sens cosmique, rare dans la poésie contemporaine, prend chair dans une forme toujours dense mais enrichie de subtiles variations musicales. G. Bocholier joue sur la brièveté plus ou moins marquée des poèmes et aussi sur la longueur des vers qui, d’un poème à l’autre, passent du rythme impair au rythme pair, sans exclure l’alexandrin. Les mots et le monde se font écho, « les yeux des puys » deviennent « des puits comme des yeux », tout est surgissement dans l’obscur : « Rien ne résiste à la levée / Des puys imprégnés d’encre. » Mais le consentement à l’épreuve de la nuit permet d’accéder à une nouvelle écoute des morts.
Le poète ne les projette pas dans un au-delà immatériel et intemporel ; il les sent proches et transcrit les paroles qu’ils disent sous terre : « À présent / Sous vos pas tremble notre bouche / Perdue. » Ils transmettent la juste lumière sur l’ardeur des corps et le parfum des fleurs et préparent à entendre le rude message de la mort présente au cœur de la vie. Ainsi chemine-t-on vers les chants du veilleur qui apprend à découvrir les semences de jour au plus profond des ténèbres.
Les Psaumes de l’espérance se situent dans la continuité des Psaumes du Bel Amour, publiés également par Ad Solem (2010), avec une préface de Jean-Pierre Lemaire. Même structure stable de deux quatrains d’heptasyllabes dans les deux recueils. Ici le poète pousse le dépouillement à l’extrême pour se vouer à l’accueil de la parole de l’Autre. Il reprend des images de la tradition biblique : le berger et ses brebis, la lampe allumée, l’attente de l’aube. Il les vivifie de ses propres images, où prédominent les sensations, des plus légères, comme « un frisson d’or sur les herbes », aux plus fortes : « Sous l’averse les odeurs de terre et de chair mêlées », les flamboiements et les brûlures. Rien ne vient rompre cette psalmodie, qui fait alterner contemplation de la Présence invisible et invocation.
C’est là une autre expérience de lecture, au point qu’il nous a semblé difficile d’aller et de venir des Belles saisons à ces Psaumes. Ils demandent que l’on entre « dans le temps de l’âme » pour partager l’attente, l’approche, « Le visiteur va heurter / Le volet », et être réceptif au témoignage de la visite de la grâce : « Dans un admirable échange 
/ J’ai vu l’arbre s’envoler / Ta chair devenir lumière / Le ciel habiter la terre. » 
Cependant la lumière ne cesse d’advenir, de même que la confiance en un amour qui toujours précède le nôtre et l’espérance du souffle divin recueillant le dernier souffle mortel.
Jeanne-Marie Baudé