
Flammarion, 2007, 200 p., 17 euros.
Après avoir fait dans un ouvrage précédent un éloge remarqué du « sentiment », trop souvent galvaudé selon lui au bénéfice de l’émotion omniprésente dans nos sociétés, le philosophe Michel Lacroix entend réhabiliter la notion d’idéal. Dans le sens commun, l’idéaliste a souvent mauvaise presse, c’est le rêveur incapable d’agir et d’atteindre son but. Mais parfois aussi ce même idéaliste est l’objet d’admiration, voire de nostalgie : il est si beau d’avoir un idéal ! Le propos de Michel Lacroix est donc de proposer ici une « psychologie de l’idéal » dans laquelle la poursuite est plus importante que l’objet lui-même. Alors que pour la philosophie le concept d’idéalisme correspond à une dévaluation du monde réel, le sens courant considère comme idéaliste toute personne qui voudrait le monde meilleur qu’il n’est, et croit possible qu’il puisse le devenir.
Mais justement, avec cette insatisfaction, l’idéalisme ne cache-t-il pas une dimension de nihilisme en niant la réalité ? N’a-t-il pas conduit au cours de l’histoire aux pires dérives collectives ? À leur manière, les totalitarismes du XXe siècle ne sont-ils pas des idéalismes fourvoyés qui voulaient transformer l’humanité à tout prix ? Selon Michel Lacroix, l’idéalisme apparaît comme une sorte de version sécularisée de la croyance religieuse, qui s’affirme à l’époque romantique. Il est positif en ce qu’il ouvre l’homme à la dimension spirituelle, fût-elle sans Dieu, et lui permet de se dépasser pour mieux changer la réalité. Si l’homme veut vivre au mieux, déployer son existence, il lui faut pratiquer un « idéalisme bien tempéré » en opérant une « réconciliation de l’idéal avec le réel ». À condition qu’il soit sage, l’homme ne peut se passer d’idéal.
On a toujours plaisir à lire les essais enlevés de Michel Lacroix, qui ne versent jamais dans le jargon des sciences humaines. Dans notre monde tenté par le cynisme ou la pure réussite matérielle, son plaidoyer pour l’idéal résonne de manière sympathique.