Il n’est jamais facile de livrer aux lecteurs ne serait-ce qu’un reflet de ses relations avec sa mère. Lorsque celle-ci atteint un âge que l’on qualifie pudiquement de grand, cela devient périlleux, car bien des repères nous manquent pour appréhender cette situation inattendue. Trois auteurs témoignent ici avec pudeur de l’expérience spirituelle qu’ils ont retirée de leur confrontation au grand âge à travers leur mère. Remi de Maindreville, dont la mère est presque centenaire, tente de montrer ce que nous avons à apprendre de notre relation avec notre mère âgée, pour peu qu’on l’aide à rester mère. Françoise Le Corre nous a fait l’amitié – et nous l’en remercions vivement – de nous offrir une prière écrite au moment où sa mère, décédée depuis, déclinait fortement. René-Claude Baud, enfin, s’est livré à une relecture de sa vie de fils a né et de prêtre au contact de sa mère. Ce texte, commandé pour ce numéro, est le dernier qu’ait signé le P. Baud, le 15 août 2010, dix jours avant sa mort. Alors qu’il se savait condamné, il l’a dicté de son lit d’hôpital à son frère Philippe et a demandé à ce que sa nièce Constance, psychologue, en vérifie la pertinence.
Aider sa mère à rester mère
Quand elle atteint le très grand âge, que les infirmités et les fatigues se font plus lourdes, quand l’inconscience l’emporte parfois sur l’éveil, une mère cesse-t-elle pour autant d’être mère ? Peut-on encore parler de maternité et d’enfantement quand les rôles semblent s’inverser et que les enfants font tout pour lui assurer des soins et un environnement de vie qui soit le plus sûr et le plus serein possible ?
Croire en une relation vivante
Même si l’on est ici renvoyé à l’intime d’une relation propre à chacun, on se risquera à parier que quelque chose d’essentiel de la vie peut encore venir de sa mère en son grand âge, et du coup croire que quelque chose en elle reste en état de veille, d’écoute. Mais cela suppose une relation entre elle et nous, et c’est ici que les obstacles ne manquent pas.
Au premier chef, sa santé et sa conscience. Quand l’écoute se ferme, quand la mémoire ne répond plus et que les mots font défaut, quand s’éteint la flamme du regard et que la présence se fige, il est bien difficile de déceler et de recueillir un germe de vie. Mais les obstacles viennent aussi de nous, plus ou moins consciemment.
La diminution de ses capacités et de ses fonctions appelle un service attentif. Nous « occuper d’elle » peut alors devenir une nécessité où l’action, voire l’agitation, vient combler l’espace et le temps de la relation. Cette occupa...
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