NICOLAS ROUSSELOT S.J.
Centre spirituel Châtelard, Lyon. A publié : La consolation : les racines bibliques de l’expérience ignatienne (Vie chrétienne, 2007).

Qui ne se réjouirait du succès que remporte aujourd’hui la « prière d’alliance » ou « prière de l’examen » parmi les baptisés, bien au-delà des cercles ignatiens ? Même les plus jeunes parmi nous ont pris l’habitude de conclure leur journée par un « Chut, merci, pardon, s’il te plaît ». Ignace de Loyola en est certainement très heureux. De fait, en quelques décennies, la popularisation des cinq points de l’Examen général des Exercices spirituels (n° 43) a favorisé le lien entre la prière du soir et les événements de la journée écoulée, décloisonnant ainsi la foi et la vie. De plus, sa répartition en trois ou quatre étapes offre une excellente initiation à la reconnaissance des motions intérieures. Un cadre est posé où le désir du Créateur peut être entendu, et où peut s’exprimer celui de la créature. Néanmoins, au bout de quelques années, une vulgarisation, même reconnue comme réussie, risque de dévaloriser l’intuition première du fondateur, si elle ne revient pas régulièrement à la source, à l’expérience primordiale 1.
 

Dans le mouvement de la journée
 

Reconnaissons-le, ce n’est souvent qu’après un bon nombre d’années que la prière de l’examen réussit pleinement à s’intégrer dans le mouvement d’une journée. L’examen n’est plus alors le moment de la journée arraché au tourbillon, il en devient le moment-clé. Cette prière du soir, où le quotidien est passé en revue, était la plupart dutemps fastidieuse, lassante, la fatigue du soir n’étant pas la moindre de ses ennemies. Le film des images de la journée se mettait en route et nous étions entraînés par l’une ou par l’autre, pris dans les sables mouvants de l’imagination. Parfois, le film était bien terne. Quoi de plus ressemblant en effet qu’une journée par rapport à la précédente, ou la suivante ? Ce film, on le connaissait tellement ! Puis le jour vient où cette prière trouve celui ou celle qui patiemment la cherchait. Peu à peu, par-delà la mémorisation de l’ordinaire des jours, une porte s’entrouvre, offrant des paysages inconnus. Et la prière entraîne la vie spirituelle et la vie tout court dans un mouvement de va-et-vient, jusque vers des sommets d’une densité inespérée. Malgré un apprentissage exigeant, des croyants de toutes condi­tions, parfois très modestes, reconnaissent pratiquer la prière de l’examen avec bonheur dans des vies pourtant surchargées. Leur parole est touchante de vérité. Telle cette mère de famille se rappelant ses premières prières quand elle avait cinq ans. Chaque soir, elle s’agenouillait, devant la fenêtre de sa chambre. Après le Notr...

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