Christus : Depuis quelques années, beaucoup d’accompagnateurs spirituels remarquent que la question qui revient sans cesse n’est plus : « Qu’est-ce qui est bon pour mon salut ? », mais : « Qu’est-ce qui est bon pour moi aujourd’hui, demain matin ou éventuellement demain après-midi ? »
Marie-Luce Brun : Il faut quand même être bien avec soi-même… L’important, c’est qu’il y ait un accord profond. Au fond, le salut, c’est la santé. Pour un accompagnateur, ce n’est pas si évident de découvrir ce qu’est la vraie santé, c’est-à-dire ce qui permet à la personne de se trouver elle-même, en vérité. Je crois qu’on ne peut être en accord avec soi-même sans être en accord avec les autres et avec Dieu. C’est à ce moment-là que quelque chose se fait. Trouver sa juste place dans le moment présent, dans la situation que l’on a à vivre ou la décision que l’on a à prendre, dépend du type de relations que l’on vit avec les autres… Mais que veut dire exactement « aller bien avec soi-même » ? Est-ce faire ce dont on a envie, à l’instant où ça se présente ? Il ne faut pas non plus se tromper là-dessus. Aller bien avec soi-même, c’est ce que dit saint Ignace : c’est être un « instrument conjoint », c’est-à-dire accordé à Dieu, pour qu’Il puisse réaliser, comme un artiste, ce qu’Il veut par l’intermédiaire de cet instrument que nous sommes. Je pense que c’est cela, la vraie santé, la vraie joie, l’équilibre, la justesse.
Agir parce qu’on est sauvé
Christus : Dans les Exercices, il y a des images et des situations tout de même assez parlantes. Par exemple, le Christ en croix qui donne sa vie par amour, l’homme blessé ou la compassion…
M.-L. Brun : Avant que la personne accepte de se mettre en face du Christ en croix, il y a tout un long chemin à faire pour que le Christ soit justement situé… Dieu en est venu à se faire homme pour me sauver : c’est la compassion extrême. Parler du jugement sans parler de cela fausse complètement le tout. J’aime beaucoup ce qu’a dit Ignace : « Il regarde la surface de la terre, les hommes qui se perdent… » Ainsi, le jugement peut se moduler sur la compassion pour les hommes qui se perdent… Ce que Dieu a d’abord fait, c’est de venir dans l’enfer, l’enfer des hommes. C’est le sens de la contemplation de l’Incarnation : ce que je suis aujourd’hui, mais aussi ce qui va entraîner pour moi une nouvelle manière de vivre, essaie d’être en accord avec cet amour que je reçois, et qui est déjà passé par une certaine purification. Très souvent, on veut bien faire les choses pour être sauvé, comme si le salut était au bout des actes bons que l’on pose. Or c’est parce qu’on est sauvé que l’on pose des actes en accord avec Dieu – des actes qui ont une dimension éternelle. La première semaine des Exercices nous met en capacité d’être au service de Dieu. Le plus souvent, on cherche maladroitement à se sauver soi-même. Les terroristes, que ch...
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