LUC RUEDIN S.J. Centre spirituel Notre-Dame de la Route, Fribourg (Suisse).Dernier article paru dans Christus : « Etty Hillesum, un témoin pour notre temps » (n° 228, octobre 2010).
 
La République Centrafricaine (RCA) est un pays extrêmement pauvre et déchiré par la guerre. Elle est entourée par la République démocratique du Congo, le Tchad et le Soudan, pays eux-mêmes durement touchés par le chaos et l’instabilité, en particulier au Darfour dont on connat l’état de crise. Les provinces au nord-est du pays sont des champs de bataille pour les rebelles locaux. L’armée régulière, chargée d’assurer l’ordre, représente également une menace pour la population qu’elle est censée protéger. Près de 300 000 personnes sont touchées par les violences en RCA, parmi lesquelles 200 000 ont été déplacées à l’intérieur du pays. Elles n’ont pas accès aux biens de première nécessité : eau potable, logement décent, soins médicaux et éducation. Leurs conditions de vie sont déplorables et l’insécurité, totale : anxiété, pauvreté, malnutrition et famine.
Étant donné le danger qui règne en Haute-Kotto dans le nord-est du pays, peu d’ONG s’y engagent. Basée à Ouadda, Jesuit Refugee Service, à la demande de l’évêque local, intervient depuis 2009. Voici quelques pages du journal de Luc Ruedin, jésuite suisse ayant participé en 2008-2009 à la mise sur pied du projet JRS (pastoral, social, éducation et défense des droits de l’homme). Il a valeur de témoignage d’une réalité trop souvent méconnue et donne en filigrane la spiritualité de JRS dont la devise est d’accompagner, de servir et de défendre les plus pauvres en allant là où d’autres ne peuvent pas aller.

Me voici à Bangui. Je suis immédiatement plongé dans un autre monde : coloré, vivant, relationnel. Un monde chatoyant aux mille couleurs, à la circulation chaotique, aux rires sonores, aux veillées funèbres chantantes et dansantes. Souvent, je suis interpellé. Il me faut quelques jours pour m’adapter à ce nouvel environnement. Quittant l’Europe où prédomine l’angoisse du vide et de l’absurde (ah ! ce coeur inquiet que l’on cherche à combler par le divertissement et la consommation !), je perçois ici une angoisse plus radicale, celle du destin et de la mort. Pas un jour où elle ne frappe à la porte ! Je me sens pourtant bien dans cet univers. Il me revitalise. Et puis, comme jésuite, n’ai-je pas fait voeu de pauvreté, de totale remise de moi ? Souvent, j’y ai réfléchi. Mais ce que signifie vivre de pauvreté effective, je ne le sais pas vraiment. Je pressens qu’il va m’être donné d’en découvrir les affres, mais aussi la paradoxale richesse…

 

28 octobre 2008

 
Je suis parti avec l’équipe JRS sur la route qui mène à Bossangoa situ...

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