JEAN-MARIE CARRIÈRE S.J.
JRS France et bibliste au Centre Sèvres, Paris.A publié : Théorie du politique dans le Deutéronome (Peter Lang, 2001), Le livre du Deutéronome (L’Atelier, 2002) et L’eau et le sang (Desclée de Brouwer, 2009).Dernier article
paru dans Christus : « Lire le texte biblique pendant l’oraison ? » (n° 221, janvier 2009).



L’Exil est une référence majeure dans la Bible. Il y a certes la réalité concrète de l’exil et de la déportation, dont la taille historiquement modeste ne doit pas faire oublier son lot de souffrances et de traumatismes, mais il y a aussi la manière dont on interprète l’événement et les remises en cause qu’il provoque. Pour Israël, et particulièrement pour les Judéens qui furent sujets de ces événements, l’exil est un mythe fondateur du judaïsme tel qu’il naît à l’époque perse.Les voix qui parlent de l’Exil diffèrent les unes des autres. La voix prophétique considère la crise comme le début d’une nouvelle ère, un possible point de départ ou de renouveau en profondeur. La voix sacerdotale (on n’oubliera pas la place jouée par les milieux sacerdotaux au retour de l’exil), plus conservatrice, pense que la seule façon de surmonter la crise est de mieux comprendre les origines, la création, pour fonder et légitimer les nouvelles institutions, le Temple et le culte. La voix des hauts fonctionnaires tente d’objectiver la crise par une reconstruction réfléchie de l’histoire et des motifs qui ont provoqué l’écroulement des structures sociales. Tout un chacun, au-delà de ces différences d’attitude, est confronté à une double question : Pourquoi l’Exil ? Revenir de l’exil ? Entre elles deux se construit l’expérience de l’exil, un rapport profondément modifié à la terre et au pays.

Pourquoi l’Exil ?


La tentative de rendre compte de l’exil pour l’histoire deutéronomiste 1 implique une réflexion sur l’histoire, et ce principalement sous la raison de l’alliance. Deutéronome 28 fait clairement allusion à l’exil, dans l’énoncé des malédictions (vv. 15-69). Déporté au loin, la vie s’étiole : « Chez ces nations, tu n’auras pas de tranquillité, tu n’auras même pas de place pour poser la plante de ton pied ; et là le Seigneur te donnera un coeur inquiet, un regard qui s’éteint, une existence qui s’épuise. Ta vie sera en suspens devant toi, tu trembleras nuit et jour, tu n’auras plus confiance en ta vie. » Ces malédictions mettent en avant que l’exil résulte d’une situation à laquelle il n’a pas été possible d’échapper, d’un rapport de forces auquel il n’y a pas eu moyen de faire face. S’il y a des raisons historiques à l’exil, il y a aussi une raison d’ordre théologique, et elle touche au coeur de l’alliance : « parce que tu n’as pas écouté la voix de YhwH » (vv. 45 et 62). Ce chapitre s’achève sur une sorte de retour de l’histoire au point zéro, c’est-à-dire dans la position de la servitude en Égypte : « YhwH te fera retourner [...] en Égypte, et là v...
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