Je suis arrivée à Baskinta par hasard, ou plutôt par de nombreuses coïncidences et personnes interposées. Alors étudiante en dernière année à Sciences Po, j'avais la possibilité de libérer deux mois d'hiver dans mon année scolaire. Comme beaucoup de jeunes de cet âge, je cherchais à partir en mission humanitaire et à prendre ainsi un peu de recul sur mon environnement. Découragée par les refus des grandes ONG, qui jugeaient cette courte période plus embarrassante que bénéfique ou préféraient les missions d'été, j'ai cherché à entrer en contact avec de plus petites associations. Une amie m'a alors parlé du Liban, où le hasard des connaissances m'a menée vers les sœurs de la Charité de Baskinta. Celles-ci s'occupent d'une école de 700 élèves, de la maternelle à la terminale et recueillent 85 filles internes qui se trouvent dans des situations familiales ou économiques difficiles. Elles ont accepté mon aide avec une joie qui était à la hauteur de mon désir de rendre service. Je ne savais pas où se trouvait Baskinta, comment se déroulait la vie dans la communauté, ni ce que j'allais y faire, mais l'accueil que me réservèrent les sœurs fut pour moi un premier cadeau.
J'ai découvert Baskinta sous la neige, après être restée quelques jours bloquée à Beyrouth par une tempête qui rendait impossible l'accès aux villages de montagne. En plein hiver, la montagne libanaise oblige les habitants à vivre au rythme de la nature et des intempéries. La route qui monte de Beyrouth vers Baskinta fait oublier le chaos de la ville. Impatiente de savoir où j'allais passer mes semaines libanaises, je suis étonnée par le contraste entre l'urbanisation sauvage d'après-guerre et les superbes panoramas qui se dévoilent à chaque virage. Nous arrivons enfin à Baskinta, village perché à 1400 mètres d'altitude. Dominant la vallée, le majestueux Mont Sannine veille.
L'imposante bâtisse de l'École Saint Vincent de Paul se trouve presque à l'entrée du village. C'est en 1904, il y a exactement cent ans, que quelques religieuses de la communauté sont montées à dos de mulet depuis le fond de la vallée pour poser les premières pierres de ce qui allait devenir une des écoles les plus importantes de la région. Aujourd'hui, six religieuses seulement s'occupent des internes et des nombreux élèves, de six à dix-huit ans, qui viennent chaque jour des villages environnants. Il y a encore quelques années, les internes étaient en majorité orphelines, suite aux ravages de la guerre civile. Cette génération a grandi, mais la situation économique du Liban plonge de plus en pl...
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