« Comment parler de Dieu dans un monde où Dieu a perdu toute évidence ? » Telle est la question de Robert Cheaib, théologien enseignant à l'Université grégorienne (Rome), dans son ouvrage récemment traduit par les éditions Salvator. Pour ce faire, l'auteur invite le lecteur à entrer dans un itinéraire de recherche de Dieu et de l'homme, prenant le parti d'aller au fond des choses, sans se contenter de réponses superficielles. Il mène sa réflexion « avec la force du peut-être », un « espace d'interrogations qui surprend le croyant et l'incroyant comme des alliés inattendus » (p. 27). C'est en compagnie de Moïse que l'auteur propose au lecteur de faire un « cheminement mystagogique » (p. 28). Aussi, chaque chapitre s'ouvre par un extrait de l'Exode où Moïse se présente tour à tour dans le doute, la contestation, l'étonnement… ou encore le désir de voir Dieu face à face.

Après une vaste ouverture pour poser la problématique à partir du Gay savoir de Friedrich Nietzsche et énoncer son intention théologique, le théologien déploie sa pensée en deux grandes parties. Dans une première partie, l'auteur affronte la question de l'absence de Dieu, de son éclipse : à la lumière du silence de Dieu lorsque Israël est esclave en Égypte (chapitre 1), à partir de personnes historiques qui décident d'« aider Dieu » dans leur vie et dans celle du monde (ch. 2), en scrutant la manière dont Dieu lui-même vient à l'aide de celui qui a commencé un chemin de foi et de libération (ch. 3). Dans une seconde partie, par une dynamique mystagogique, l'auteur propose une initiation au mystère de Dieu à partir de trois expériences humaines fondamentales permettant la découverte de Dieu : dans le désir humain (ch. 4), par l'acte de penser le Nom divin (ch. 5) et dans l'expérience de l'amour (ch. 6). Au fil du chemin, le lecteur entend résonner que le croyant est appelé à devenir une présence qui représente Dieu au cœur du désert de ce monde. On relèvera la très grande qualité du chapitre 4, sur la rencontre de Dieu dans le désir humain. Ces pages sont la perle précieuse de l'ouvrage et l'auteur y reconnaît lui-même le « véritable cœur de ce livre » (p. 32).

L'ouvrage, au croisement de la théologie fondamentale et de la théologie spirituelle, demande au lecteur une certaine concentration, mais il vaut vraiment la peine de faire cet effort pour entrer dans la proposition de Robert Cheaib. Un très bel itinéraire théologique et spirituel, une vigoureuse invitation à l'audace du questionnement et de la foi.