Quelle image de Dieu peut encore faire sens pour nous aujourd'hui, si nous entendons les radicales critiques de Freud ? Mais aussi quelle image de nous-mêmes nous reste-t-il ? En effet les questions : « Qui est Dieu ? », « Qui est l'homme ? », ne sont-elles pas entièrement liées ? Ces questions, pour beaucoup d'hommes et de femmes de ma génération, n'ont pas été d'abord philosophiques mais existentielles. Si nous appartenions à la fois à des milieux de vie et chrétien et psychanalytique 1, nous avons été forcément déchirés entre ces deux milieux hostiles l'un à l'autre déchirés entre des modes d'intelligibilité de l'homme et du monde qui tous les deux nous semblaient à bien des égards justes et féconds, mais qui, peu à peu, se révélaient inconciliables. Qui, d'ailleurs, lors d'une psychanalyse personnelle n'a pas ressenti comme une évidence la vacuité du mot « Dieu » ? Un décalage ne pouvait que se creuser entre l'expérience vive d'une vérité de soi-même découverte derrière et en deçà de ses intentions conscientes, et une Parole de Dieu qui, étant précisément liée à ces intentions conscientes, devenait de plus en plus floue et désincarnée…
Que nous a-t-on prêché la prééminence d'Agapè sur Eros, le nécessaire désintéressement l'oubli de soi (avec toutes ces figures de mystiques qui demandent à Dieu de « n'être plus rien ») ! C'est que plaisir et désir ont toujours un sérieux relent de dangerosité ; mais c'est alors ignorer gravement les lois du fonctionnement mental qui veulent que nous traitions autrui de l'exacte façon dont nous nous traitons nous-mêmes. Prêtez un peu attention à toutes les manipulations de ceux qui affirment être sans importance 2… Comment l'Eglise qui, dans ce contexte annonce un salut pour l'homme pourrait-elle être entendue ?

LE CHAMP DU PARADOXE


Bien sûr, comment nier l'attrait de cette Parole qui demande de s'aimer les uns les autres, partager, pardonner ? Mais comment continuer à se situer entre une conception volontariste il suffit de vouloir… Et une conception démissionnaire il suffit de s'en remettre à la grâce de Dieu ! Alors que toutes deux font l'impasse sur les conditions psychologiquement requises pour vouloir ou pouvoir s'abandonner, partager, ou pardonner ? Freud