AMOUR ET SILENCE Et autres textes.
Éd. et prés. N. Nabert. Ad Solem, coll. « Spiritualité », 2010, 225 p., 25 euros.

 
Saisissante et pertinente offrande au lecteur que cette brassée d’oeuvres cartusiennes dont la paternité est désormais connue. Apprendre que dom Porion, chartreux du XXe siècle au monastère suisse de La Valsainte, longtemps procureur de l’Ordre à Rome, spécialiste de la mystique rhéno-flamande, est celui qui signait « Théophile », « un chartreux », ou même « ******* », relève, non d’un « scoop » médiatique, mais d’une mise en lumière de la cohérence entre l’écriture de l’auteur et « la profondeur de sa vocation cartusienne toujours décelable dans sa modestie éditoriale ». L’enquête menée par Nathalie Nabert sur la genèse et la composition des différents textes proposés ici révèle, à travers les étapes de sa vie et les amitiés stimulantes comme celles de Charles Journet, Stanislas Fumet ou les Maritain, un portrait intérieur de l’homme qui écrivait, trois ans avant sa mort, dans un sermon pour la fête de saint Jean-Baptiste : « Accepter pour nous-mêmes l’obscurité est un aspect de la conversion […] à laquelle nous exhorte le Précurseur, dans la perspective lucide de la fin de ce monde. » Le lecteur novice goûtera la découverte, pédagogiquement accompagnée, de la radicalité cartusienne, voie spirituelle privilégiant la nudité de la foi, celle qui nous « fait marcher ici-bas dans ses ténèbres saintes ». Les vertus théologales et les dons qu’elles génèrent sont les moyens que Dieu nous donne pour vivre sa présence « surnaturelle » en nous, dans la simplicité du coeur. Un coeur qui ose se reconnaître comme « néant » et même, en raison du péché, « au-dessous du néant ». Constat réaliste qui ne boucle pas sur lui-même : « Seigneur […], éblouissez-moi de telle sorte que, par la lumière de votre présence, je vous voie en tout, et tout en vous. » Dom Porion préférait, en premier lieu, orienter ses frères vers « les trésors de beauté et de joie que Dieu réserve dès ici-bas à l’âme fidèle », afin que les nécessaires devoirs et obligations y prennent leur source. Qui relira Amour et silence le fera à frais nouveaux et profitera d’autant mieux des écrits qui lui sont ajoutés : sermons (dont quatre inédits), conférences spirituelles, déclarations commentées du Magistère. L’« Idéal cartusien » irrigue chacun d’entre eux : « Vivre de Dieu seul et pour Dieu seul, tel est le secret profond et l’âme de notre solitude. »