C'est l'heure de faire rentrer les enfants de la cour. Il fait chaud et ils sont excités aujourd'hui. Le dortoir est, comme d'habitude, surchargé. Les enfants ont le front mouillé de sueur et les vêtements collés à la peau. Elles les déshabillent un peu et leur demandent de passer aux toilettes. Puis elles les couchent sur les petits lits pliants. Ou plutôt, ils se couchent eux-mêmes et elles s'occupent de compter deux chaussures pour chacun et de ramasser les vêtements éparpillés. Il fait vraiment très chaud. Ils ont besoin de dormir et ce sera difficile. Mais qui peut, à deux ou trois ans, passer la journée sans repos ? Ils doivent et ne savent pas qu'ils doivent dormir.
Elle reste seule avec eux maintenant. Elle est leur maîtresse. Elle a de l'expérience en matière de sieste, celle de savoir endormir trente enfants.

Comment cette expérience est-elle possible ? Peut-on endormir ne serait-ce qu'une seule personne en prenant soin d'elle ? Assurément, mais pas toujours. Pour les enfants non plus. Mais une chose est acquise : l'intention d'endormir fait une part du travail. En la matière, le soin n'est pas dans l'acte : il n'y a pas vraiment d'acte. Il est dans la souple détermination de l'adulte tutélaire et en particulier dans son assurance fondée que ce qu'elle demande aux enfants est ce qui leur convient.

Pourtant, cette assurance demeure muette. Elle ne s'accompagne pas d'un discours de persuasion. Tout au plus d'une parole minimale de discipline pour qui ne comprendrait pas le langage muet. Il ne s'agit pas de convaincre de dormir. Il s'agit d'être présent avec une qualité de présence bienveillante, suffisante pour engendrer le sommeil du groupe. Pas de discours,