Comment réagir quand survient l'événement ? La question n'est pas nouvelle. Jésus la pose dans l'Évangile quand il parle d'un pauvre homme roué de coups par des bandits et laissé sur la route entre Jérusalem et Jéricho. Passe un prêtre, puis un lévite, mais l'un et l'autre, se tenant « à bonne distance », continuent leur route sans rien faire. Arrive un Samaritain qui, au contraire, décide de s'approcher. Il donne les premiers soins et prend toutes les dispositions pour que le blessé, conduit dans une auberge, bénéficie des soins nécessaires à sa guérison.
En citant ce « fait divers », Jésus pose à ses disciples une question fondamentale : sommes-nous du côté du prêtre et du lévite ou, au contraire, du côté du Samaritain ? En d'autres termes, l'événement fait-il de nous des spectateurs ou des acteurs ?


CONSCIENCE MORALE ET DÉCISION


Le bon Samaritain de la parabole n'a pas mis beaucoup de temps avant de se déterminer. Mais son comportement n'élude pas la question à se poser quand survient l'événement : que dois-je faire, quelle est la bonne ou, à défaut, la solution la moins imparfaite à adopter ? Rechercher en chaque circonstance particulière le bien à promouvoir et le mal à conjurer conduit finalement à orienter son choix dans le sens le plus conforme aux valeurs que l'on souhaite respecter. Ainsi est-ce souvent dans l'expérience de la décision à prendre ici et maintenant qu'une conscience se forme et devient conscience morale.
Cette approche pragmatique — disons même casuistique — ne minimise pas l'importance des principes généraux qui donnent à la conduite chrétienne sa juste orientation. Mais, en bien des cas, c'est en partant de l'événement, en analysant la manière de se situer par rapport à lui, que s'engage et se développe une réflexion morale. C'est dans la recherche du bien ou du meilleur à promouvoir dans telle situation particulière que jouent pleinement leur rôle les références éthiques inspirées par la foi ou confortées par elle et par l'enseignement de l'Église. Ces références éthiques d'ordre général sont là pour éclairer les consciences et les aider à se déterminer elles-mêmes « en dernier ressort ». Cette formule mérite attention, parce que c'est de cette façon que s'exprime le Concile Vatican II, déclarant dans Gaudium et Spes que les chrétiens ont le devoir de se forger un jugement droit et, « en dernier ressort », d'arrêter ce jugement devant Dieu. Ces propos conciliaires, corroborés par plusieurs autres, devraient mettre en garde contre une conception objectiviste de la morale. Selon cette conception, les règles et les normes destinées à éclairer la conscience deviennent des consignes à observer sans détour. La personne n'a plus à se déterminer elle-même en dernier ressort. Une seule issue s'impose : appliquer la loi qui vaut pour tous en toute circonstance.
Bien des raisons expliquent la résurgence contemporaine d'un tel discours. Nos sociétés en permanente transfo...
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