Cette scène évangélique entrelace les générations avec Jésus, le nouveau-né, Marie et Joseph, les parents, Syméon et Anne, les anciens, ainsi que les temporalités, avec la croissance biologique silencieuse, la pulsation sociale des rites et l’irruption prophétique. Cette scène, si nous la laissons habiter en nous, peut devenir une aide profonde, pour notre temps présent, pris par l’incertitude, l’affolement et la violence.

Nous avons au centre mais passif, l’enfant Jésus qui se fie aux autres, se laisse conduire par sa croissance interne indépendamment de tout ce qui se passe autour de lui. La vie, en lui, se nourrit, se construit, se fortifie, se rend silencieusement capable de disponibilités futures.

Nous avons la sainte famille qui se laisse porter par le rythme des manières de faire usuelles pour le premier né, en allant au Temple, en présentant le nouveau-né, en faisant une offrande, puis en revenant à sa vie quotidienne, et vit au rythme d’une pulsation qui marque les grandes étapes de l’existence de chacun (naissance, mariage, décès) et qui ouvre à plus grand. La pulsation des célébrations n’épuise pas toute l’énergie de la personne mais la rend capable de discerner la nouveauté sur fond de rituel.

Nous avons, enfin, Anne et Syméon, les anciens, qui sont là, appelés, poussés, habités qu’ils sont par une promesse déjà ancienne, l’attente d’un « aujourd’hui » spécial. Le cadeau du cadeau, pour Syméon, est le suivant : dans la concrétisation de la promesse qui se présente sous la figure d’un enfant qu’il accueille dans ses bras, naît une nouvelle promesse, encore plus grande mais néanmoins marquée par un signe douloureux de contradiction « cet enfant produira la chute et le relèvement de beaucoup ».

Ainsi, l’entrelacement de ces générations et de ces temporalités introduit celui qui contemple la scène évangélique à une manière fluide de se situer dans le temps par l’accueil de ce qui ne cesse de venir. L’accueil de la croissance organique en soi en la laissant aller à son rythme. L’accueil de la pulsation du temps commun, des traditions, des rites en se maintenant éveillé, disponible, en se laissant doucement guider. L’accueil enfin de la réalisation de la promesse longuement attendue, qui projette encore plus loin dans une autre Promesse, celle où les trois temporalités se rejoindront dans la louange éternelle. A travers ces trois manières d’accueillir (laisser faire, consentir et réagir), c’est bien l’Esprit qui nous conduit, nous donne de tisser, ensemble et souplement, la nouveauté pour tous sans laisser quiconque sur le bas-côté.

Alors, sachons distinguer en chacune de nos situations présentes, ce qui est de l’ordre de la croissance organique de la vie en nous, en la laissant être pour accroître les possibles ; ce qui est de l’ordre de la civilité commune qui ne cesse de réparer, réordonner ; et ce qui est de l’ordre du surgissement qui prend appui sur le déjà perçu et nous entraine toujours au-delà.

Sachons surtout comme la Vierge prendre le temps de contempler, de recevoir et de disposer ces trois dimensions de la vie qui pousse, de la vie qui se célèbre et de la vie qui appelle vers la Promesse.