Jean-Joseph Surin (1600-1665), jésuite bordelais formé à l'École du P. Lallemant, est l'un des plus grands mystiques du XVIIe siècle. Mais son histoire étonne : appelé comme exorciste auprès de religieuses ursulines à Loudun, dans une étrange et célèbre affaire de possession, le voilà qui s'épuise ; il s'effondre mentalement : pendant près de vingt années, il n'a plus d'activité, perdant toute aptitude au mouvement, à la parole, à l'écriture. Il va pourtant traverser cette épreuve, nuit du corps et de l'esprit, pour revenir progressivement à la vie. Il peut alors reprendre une intense activité de directeur spirituel, écrire une somme de lettres considérable, des traités aussi, comme le Catéchisme spirituel, la Guide spirituelle, les Questions sur l'amour de Dieu, autant de chefs-d’œuvre de la littérature spirituelle ; il éclaire, il illumine l'itinéraire de tout un chacun en appelant à une écoute toujours plus grande de l'Esprit ; à partir d'une analyse minutieuse des mouvements du cœur, bien caractéristique de ce siècle, il ouvre à la liberté la plus grande et, dans une langue magnifique, invite à respirer l'air du grand large.
Près de six cents lettres ont été éditées par Michel de Certeau : adressées à des interlocuteurs divers, hommes et femmes, religieux ou laïcs, souvent en situation de haute responsabilité, elles vont du texte bref au petit traité. Ainsi, l'extrait qui suit est tiré d'une longue lettre où Surin reprend des points essentiels de sa doctrine spirituelle (cf. lettre n° 407, Correspondance, Desclée de Brouwer, coll. « Bibliothèque européenne », 1966, pp. 1224-1230).
Datée du 25 août 1661, cette lettre est adressée au P. Louis Tillac, jésuite à Pau, futur instructeur du 3' an (année de reprise spirituelle au terme de la formation jésuite). Afin de se donner « solidement à la vie intérieure » et défavoriser l'union divine, Surin recommande plusieurs moyens : « la connaissance de soi-même et la pénitence, la récollection, la paix intérieure, la constance et l'assiduité dans les saints exercices. » Cette assiduité est « la clef de la vie spirituelle » ; sans elle, nous n'aboutirons à rien : « nous ferons comme ces marchands qui ne gagnent rien, comme ces artisans qui sont toujours apprentis, comme ces écoliers qui ne deviennent jamais savants. »
Le texte présenté ici, cinquième et dernière partie de la lettre, explique ce que doit viser l'assiduité : l'intention droite, l'amendement de la me et le changement des mœurs, la présence de Dieu, la mortification. Sous une dimension ascétique bien familière, l'accent porte à vrai dire sur la constance à mettre en œuvre pour faire naître un « état de lumière », disposition fondamentale telle que l'âme vive de Dieu et en Dieu, éclairée sur ce qu'elle a à faire. Il en résulte une ascèse tranquille, devenue liberté spirituelle.
Il faut lire lentement ces pages et se laisser transformer par la paix qui en est le fruit : elles invitent à vivre en Dieu, sim...

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