La Part commune, 2021, 96 p., 13 €.

Quand on se tient « à la cime des heures », on sent passer une brise qui glisse, parmi les odeurs du Pays d'Iroise, « une pincée d'au-delà ». On respire dans ce livre un grand bol d'air, on y croise les oiseaux et des fleurs chers à Jean-Pierre Boulic. Pourtant, celui-ci ne vise pas au pittoresque et ses poèmes ne sont jamais, à proprement parler, des tableaux ; en effet, le vent, qui est aussi le souffle poétique et peut-être celui de l'Esprit, rend poreux le paysage et celui qui le contemple. On pense à Nicodème : « Tu entends le bruit du vent mais tu ne sais ni d'où il vient, ni où il va » (Jn 3, 8). D'ailleurs, il est souvent question de naissance, de réveil printanier et pascal dans ces pages. Le lecteur y goûte la saveur des allusions à un Évangile qui, pas plus que les paysages, n'est enfermé dans un cadre. Ce beau recueil rassemble en un bouquet les heures d'une vie sans perdre l'eau et le vent qui les gardent vivantes.

Dans L'offrande des lieux, la prose poétique se révèle propice à l'exploration de nouveaux espaces, la ville notamment, à l'emploi d'un ton nouveau, celui de la satire et de la colère prophétique, saisissant chez ce poète bucolique. On comprend dans la suite du recueil que Jean-Pierre Boulic a dû rompre avec un monde factice, trouver un lieu authentique au bord de l'océan où la poésie puisse s'épanouir. Sur ce chemin du retour à la nature et à soi, il a été guidé par l'exemple de René Guy Cadou (1920-1951), entre autres ; il est passé du rêve d'édifier une « cathédrale poétique » au projet de construire de modestes « chapelles » où il puisse célébrer les « petites choses » et l'offrande des jours, en réservant la part de l'étonnement et de l'ignorance afin de mieux accueillir ce qui vient.