Lors des mouvements de réfugiés et de migrants, ceux et celles qui accompagnent ces personnes découvrent une expérience humaine singulière, qui n'est pas sans rappeler celle d'Abraham. Si la foi peut s'entendre comme chemin de migration, peut-être verrons-nous aussi avec Abraham combien la migration est un chemin de foi.

« Je te garderai partout où tu iras. » (Gn 28,15)

L'histoire d'Abraham aide à mieux comprendre les hommes et les femmes en situation de migration, et particulièrement à percevoir la foi qui les fait tenir dans leur quête d'un avenir, la figure d'Abraham étant tout à la fois celle du migrant et celle de la foi.

Quitter les lieux où la vie n'est plus possible

Le livre de la Genèse mentionne la naissance d'Abram en 11,27 et raconte sa mort en 25,1-11 : telle est l'ampleur du « cycle » d'Abraham. Bien que les divisions des bibles semblent faire commencer l'histoire d'Abraham au chapitre 12, il convient de scruter quelque peu les derniers versets du chapitre 111. Térah, le père d'Abram, a commencé un mouvement de migration, depuis sa ville d'origine, Our en Chaldée, mais s'est arrêté à Haran, où « ils habitèrent ». Par un jeu de mots, le nom de cette ville, Haran, se confond avec celui d'un autre fils de Térah, qui est mort avant son père. La ville de Haran serait-elle aussi un lieu de mort ? Elle est, à tout le moins, l'endroit où la migration s'arrête et s'enlise. Abram a pris femme dans la ville d'Our, mais on apprend que Saraï est stérile2. Térah meurt à Haran, sans que le mouvement de la migration qu'il avait impulsée n'ait repris.

C'est dans ce contexte assez sombre – mort, impasse, stérilité – que la parole du Seigneur rejoint Abram (Gn 12,1). Elle s'enfonce au plus douloureux de sa situation, comme pour dégager le plus profond de son désir. En premier lieu, cette parole appelle à partir : « Va vers toi-même », qu'on pourrait presque entendre comme un « Sauve-toi ». Elle oriente ensuite vers un avenir, sur le mode de l'invisible : « Le pays que je te ferai voir. » Enfin, elle s'offre à la