Depuis des années, la Parole de Dieu éveille chez un grand nombre de chrétiens une attirance croissante. Le renouveau biblique, la facilité de l’accès aux sources, l’abondance des commentaires y ont sans doute beaucoup aidé. Comment ne pas y voir le signe d’une foi qui cherche davantage d’intelligence, de nourriture et surtout de rencontre plus per­sonnelle et directe avec le Seigneur, dans sa Parole, à une époque où Dieu ne se donne plus à sentir immédiatement ? Parallèlement à la prière ou à la lectio divina, aux groupes de partage ou aux formations, maintes liturgies font une large place à une Parole de Dieu lue, expliquée, comme un lieu privilégié de l’écoute de Dieu et de l’accueil de l’Esprit Saint.
Qu’est-ce que cette heureuse réhabilitation de la Parole dans la vie des communautés chrétiennes nous révèle de Dieu ? N’est-ce pas depuis les origines tout le mystère de la Parole de Dieu que de se dire à travers des paroles d’hommes ? Comment y discerner la voix de Dieu ? Qu’est-ce au fond que la Parole de Dieu ?
À l’évidence, elle se donne et touche le coeur de l’homme au sein d’une expérience spirituelle toujours étonnante. En témoigne ce qu’ont exprimé les évêques rassemblés l’an dernier en synode sur « la Parole de Dieu » et que le pape a retracé en quatre images fortes dans son message final (M. Léna). Le rapport à l’Écriture est le lieu privilégié d’une telle expérience, en particulier quand elle nous met en affinité avec tel ou tel personnage biblique qui creuse notre intériorité en nous faisant partager sa foi, ses doutes, ses impasses (J.-P. Sonnet). Le récit biblique « parle » quand il se fait parabole de notre vie : tout un chacun peut alors entendre entre les mots la Parole unique que Dieu lui adresse (B. Régent).
Attrayante, la « lettre » de l’Écriture renvoie donc à Celui qui s’y révèle ainsi mystérieusement, et le respect qu’elle nous inspire est sans doute l’apport le plus précieux des lectures juives de la Bible à la foi chrétienne (G. Comeau). Dans les cultures fondées sur l’oralité, comme en Afrique, on mesure le rôle attractif et libérateur de la Bible, et en même temps les dérives liées à une lecture littérale de l’Écriture, souvent dues à une appropriation trop immédiate de la Parole de Dieu (É. de Rosny).
La Parole de Dieu a pris corps en Jésus-Christ. Elle est devenue l’in­croyable Bonne Nouvelle qui donne de renaître à ceux qui s’ouvrent à sa présence. À la suite de ceux qui ont rencontré le Christ, chacun peut vivre cette Parole dans l’eucharistie (C. Theobald). De même, Ignace de Loyola renaîtra, durant sa convalescence, en découvrant, à travers la vie des saints, le regard que Dieu porte sur lui et la force du désir qui l’habite (C. Robet).
Tenter de vivre de la Parole, on le voit, fait entrer en résonance avec bien d’autres expériences, dont le récit laisse apercevoir sinon nommer la pro­fondeur spirituelle, quand l’homme s’y révèle à lui-même (R. Scholtus). La maladie est de ces expériences, où la Parole parfois exprimée, parfois désirée, se fait geste ou service, présence jusqu’au bout de notre histoire (M.-H. Boucand).